Alors, beur, d’oĂč ça vient ? Ben beur, c’est le verlan de, arabe. Alors tu vas me dire, mais non – Non ! – Non, mais parce qu’en fait, arabe en verlan ça faisait, be ara, be ara. – Oui. – Et en fait, on a sorti la fin et ça faisait beur. Donc en fait, beur c’est le verlan de, arabe – Et ils ont sorti un A aussi alors. Bonsoir c'est amine de rabat La musique est une belle chose. encore mieux celui qui la compose. seul reste d'une extrĂȘme importance, le fait de bien choisir les sujets de ses compositions et bien Ă©videmment les termes qui y sont utilisĂ©. la Etfais entendre aux hommes ce que tu veux qu’on te dise Ă  toi-mĂȘme. Les hommes, pour la plupart, sont comme le loup : tu en fais ton compagnon, puis lorsqu’il a compris Ta faiblesse, cela Jordanie– roadtrip de 8 jours. Tu as 8 jours devant toi ? Alors file en Jordanie. On te fournit l’itinĂ©raire complet et tous les trucs et astuces. Enjoy ami voyageur ! ilfaut voir tout ça en arabe car si tu remplace "LI" par "A" ou ''POUR ça marche pas dans tout les temps car en arabe il ya beaucoup de logique et une algorithme qui fais que tu peu pas faire une erreur parce que ta pas appris toutes les conjugaisons de toutes les mot par cœur Wallah A3lam . RĂ©pondre. Shadowmaster On n'a rien sans rien. Bladinaute averti. 16 RegardezComme tu fais on te fera - GenerationIslam sur Dailymotion. Recherche. BibliothĂšque. Se connecter. S'inscrire. Regarder en plein Ă©cran. il y a 10 ans. Comme tu fais on te fera. GenerationIslam. Suivre. il y a 10 ans. Signaler. VidĂ©os Ă  dĂ©couvrir cxSW4. À part AllĂąh, personne ne te sera utile... Tu mourras seul ! Tu seras enterrĂ© seul ! Tu seras questionnĂ© seul dans ta tombe ! Tu seras ramenĂ© Ă  la vie seul ! Tu seras ressuscitĂ© seul ! Tu seras prĂ©sentĂ© seul Ă  ton Seigneur ! Tu traverseras la Sirāt le pont seul ! Et si AllĂąh dĂ©cide de te faire entrer au paradis, tu seras retenu seul sur Al-Qantarah portion du Sirāt qui conduit au Paradis. Tu entreras au Paradis seul, ou tu seras chĂątiĂ© en Enfer seul. Personne ne sera chĂątiĂ© Ă  ta place ! Endosse donc ta responsabilitĂ© ! La vie n'est pas faite pour les pitreries. Il n'y a pas de temps pour les pitreries et autres badineries ! La vie est un nombre de secondes limitĂ©es donc il faut profiter ! Prends l'exemple d'une personne que tu considĂšres comme raisonnĂ©e. Cette personne marche sur un chemin, et elle y aperçoit une perle et un crottin. Elle dĂ©cide alors de ramasser le crottin et elle laisse la perle . VoilĂ  une personne insensĂ©e ! Un moment que tu laisses passer en toute indiffĂ©rence dans cette vie d'ici-bas sera telle une malle vide le Jour de la RĂ©surrection. Que dieu alors si la malle renferme ce qui te portera prĂ©judice ? L'homme prononce parfois une parole - Ă  laquelle il n'accorde aucune importance- qui provoque le DĂ©sagrĂ©ment d'AllĂąh et qui le prĂ©cipitera en Enfer d'une distance plus importante que celle sĂ©parant le ciel de la terre. L'homme dit parfois une parole- Ă  laquelle il n'accorde aucune importance- qui fait rire son assemblĂ©e, AllĂąh l'accable alors de Son dĂ©sagrĂ©ment jusqu'au jour oĂč il le rencontrera ! Et l'inverse pour ce qui provoque l'agrĂ©ment divin . La vie est dure, une Ă©preuve, elle n'est pas faite pour badiner ou jouer ! MĂ©dite ta situation, et garde Ă  l'esprit ce qu'Ă  dit ton ProphĂšte Ű”Ù„Ù‰ Ű§Ù„Ù„Ù‡ Űčليه ÙˆŰłÙ„Ù… "Concentre tes efforts sur ce qui te sera profitable !" Si les pitreries te seront profitables, fais-en... Si les badineries te seront profitables, fais-en aussi... Si perdre ton temps te sera profitable, perds ton temps... À condition que cela te soit profitable ! Par contre, si cela te portera prĂ©judice et te sera nuisible... Si cela n'est ni en ta faveur, ni en ta dĂ©faveur, c'est un moindre mal ! Beaucoup des gens perdent leur temps dans des choses inutiles, ils ne respectent fondamentalement pas le temps ! Un jour, 'Āmir Ibn 'Abd-AlqaĂŻs faisait son chemin, un homme l'interpella alors et lui dit "Je voulais te dire un mot." Il lui rĂ©pondit "Non, mĂȘme pas une moitiĂ© mot !" L'homme dit "ArrĂȘte-toi que je te parle voyons !" 'Āmir lui assĂ©na alors "Retiens le soleil !" C'est-Ă -dire ArrĂȘte le temps pour qu'il ne s'Ă©coule plus, ainsi, le temps que je perdrai avec toi ne sera ni en ma faveur ni en ma dĂ©faveur, mais toi, tu me fais perdre mon temps, il lui a donc dit "Retiens le soleil !" Perds le temps comme bon te semble ! Ce sont tes affaires ! Mais ne fais pas perdre aux autres leur temps ! Crains AllĂąh ! Sois sĂ©rieux et digne ! Ne sois pas plaisantin, facĂ©tieux ou sot ! Un jour, un homme Abd-AllĂąh Ibn Bousr vint voir le ProphĂšte Ű”Ù„Ù‰ Ű§Ù„Ù„Ù‡ Űčليه ÙˆŰłÙ„Ù… et lui dit "Messager d'AllĂąh, les prescriptions de l'Islam sont devenues trop nombreuses pour moi, indique-moi une oeuvre inclusive Ă  laquelle je marcherai aisĂ©ment..." Le ProphĂšte Ű”Ù„Ù‰ Ű§Ù„Ù„Ù‡ Űčليه ÙˆŰłÙ„Ù… lui a alors indiquĂ© une oeuvre qui, en apparence, n'a aucune importance chez beaucoup du musulmans "Que ta langue ne cesse d'ĂȘtre humide par l'Ă©vocation d'Allah !" Fais du "Dhikr" chaque seconde, fais du "TasbÄ«h", tu en auras besoin le Jour de la RĂ©surrection ! Tu auras besoin de la moindre bonne action afin qu'elle fasse pencher ta balance ! Sinon, ceux dont les bonnes et les mauvaises actions sont parfaitement identiques, seront immobilisĂ©s sur Al-A'rāf les Murailles jusqu'Ă  ce qu'AllĂąh - Seigneur des mondes- juge toutes les crĂ©atures et que les gens du Paradis et de l'Enfer prennent place dans leur demeure respective. Ce n'est qu'ensuite que le Tout-Puissant, le Grand Pardonneur, fera entrer les gens d'Al-A'rāf dans son Paradis par Sa MisĂ©ricorde. Il n'y a pas plus misĂ©ricordieux que Lui ! Par contre, si les bonnes et les mauvaises actions ne sont pas identiques les mauvaises actions sont supĂ©rieures, cela conduira Ă  une condamnation en Enfer, sauf si AllĂąh dĂ©cide de faire misĂ©ricorde. Tu auras donc besoin de la moindre bonne action ! Tu courras derriĂšre ton pĂšre le Jour de la RĂ©surrection ! Toi ! Je suis en train de te dire Toi ! Je ne suis pas en train de te dire c'est quelqu'un d'autre qui courra derriĂšre ton pĂšre ! Toi, tu courras derriĂšre ton pĂšre sur les plaines du Jugement Dernier. Tu lui diras "Cher pĂšre ! Comment Ă©tait-je avec toi ?" Il rĂ©pondra "Tu Ă©tais un fils exemplaire !" Tu lui diras alors "Je te demande aujourd'hui une seule bonne action." Il te rĂ©torquera "Non ! Ce qui t'effraye aujourd'hui m'effraye aussi !" Ton pĂšre courra aprĂšs toi ! Il te dira "Comment Ă©tais-je avec toi ?" Tu lui rĂ©pondras "Tu Ă©tais un pĂšre formidable !" Il te dira alors "Aujourd'hui, j'ai besoin que tu me fasses don d'une seule bonne action." Tu rĂ©pondras "Jamais ! Ce qui t'effraye aujourd'hui m'effraye aussi !" Pareil pour ta mĂšre, ta soeur ! La responsabilitĂ© est individuel ! Ne perds pas ton temps ! Ne perds pas ta vie ! Tu n'es qu'une suite de respiration ! À chaque fois qu'une respiration s'en va, c'est une partie de toi qui s'en va ! Comme l'a dit Hāssan Al-BasrĂź Ű±Ű­Ù…Ù‡ Ű§Ù„Ù„Ù‡ "Fils d'Adam ! Tu n'es qu'une suite de respiration ! À chaque fois qu'une respiration s'en va c'est une partie de toi qui s'en va !" Autrement dit, tu te rapproches de ta tombe d'un pas ! Chaque jour qui s'Ă©coule te rapproche de ta tombe d'un pas ! Ton temps de vie est limitĂ©, du dĂ©but Ă  la fin. Il n'augmentera pas, comme il ne diminuera pas, mais il est limitĂ© ! Allah seul connait sa fin ! Ni moi, ni toi, ni n'importe quelle autre crĂ©ature ne connaĂźt sa fin ! Allah Seul la connaĂźt ! Quand aura lieu cette fin ? Tu ne sais pas... Elle pourrait arriver de suite, dans un instant, ou un peu prĂšs... Dans une heure, ou deux heure... Peut-ĂȘtre plus tard... Et moi aussi j'y parviendrai mĂȘme s'il elle venait Ă  tarder ! Nous avons vu des gens dĂ©passĂ© le centenaire, et ensuite ils sont morts ! Quelle Ă©tait alors la suite ? Ils sont passĂ©s aux oubliettes ! Tes proches ne te seront d'aucune utilitĂ© ! Ils t'oublieront ! Tes propres fils t'oublieront ! Ils ne parleront mĂȘme plus de toi ! Ils se dĂ©lecteront de ton hĂ©ritage que tu leur auras laissĂ©, composĂ© de biens illicites, ambiguĂ«s, usurpĂ©s, issus de la corruption ou de tout autre bien mal acquis... Ils s'en dĂ©lecteront et toi, tu feras face au chĂątiment. RĂ©veille-toi ! Il n'y a pas de temps Ă  perdre... ✅ Traduit et publiĂ© par la chaĂźne Telegram - Ceci est notre croyance - ceci_est_notre_croyance Cheikh Muhammad Sa’üd RaslĂąn - Ű§Ù„ŰŽÙŠŰź Ù…Ű­Ù…ŰŻ ŰłŰčÙŠŰŻ Ű±ŰłÙ„Ű§Ù† RĂ©sumĂ© Index Plan Texte Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ© L’article retrace l’histoire de la naissance du théùtre en Égypte, en Syrie et au Liban, le théùtre moderne Ă©tant une importation rĂ©cente dans le monde arabe. Les auteurs arabes modernes s’inspirent du patrimoine littĂ©raire mĂ©diĂ©val, en particulier l’ñge d’or qui s’étend du VIIIe au XIVe siĂšcle, et ont recours aux textes mĂ©diĂ©vaux qui ne sont pas connus de tous, mais qui vĂ©hiculent des codes spontanĂ©ment dĂ©chiffrĂ©s par le public. L’utilisation du passĂ© mĂ©diĂ©val fournit de fĂ©condes comparaisons sur la valeur documentaire, historique ou politique des piĂšces, entre l’Égypte de Tawfiq al-HakĂźm et la Syrie de Saadallah Wannous, dans une tentative pour lĂ©gitimer le théùtre Ă  l’occidentale par un questionnement de type identitaire. Haut de page EntrĂ©es d’index Haut de page Texte intĂ©gral L’auteur remercie vivement Marie-HĂ©lĂšne Avril pour la lecture de ce travail. 1 Nous transcrivons de maniĂšre simple les noms et les mots arabes que l’on ne trouve pas dans les di ... 2 Livre d’un grand intĂ©rĂȘt historique et littĂ©raire. Le dayr n’était pas seulement un lieu de piĂ©tĂ© ... 3 Al-ChĂąbuchtĂź, al-DiyĂąrĂąt Les Couvents, Beyrouth, DĂąr al-rñ’id al-̀arabĂź, 1986, p. 187-188. 1Le théùtre dans sa forme occidentale est une importation rĂ©cente dans le monde arabe. Mais il existe diffĂ©rentes formes de théùtralitĂ© dont la plus importante est de loin le khayāl al-zill silhouette de l’ombre1. Al-ChĂąbuchtĂź mort probablement en Égypte Ă  la fin du Xe siĂšcle rapporte dans son livre al-DiyĂąrĂąt Les Couvents chrĂ©tiens2 l’histoire d’une altercation entre un poĂšte nommĂ© Da‛bal et ‛AbbĂąda, le fils d’un cuisinier du khalife abbasside al-Ma’mĂ»n. Le poĂšte a lancĂ© Ă  ‛AbbĂąda Je vais Ă©crire une satire contre toi ». ‛AbbĂąda lui rĂ©pondit Si vraiment tu le fais, je sortirai ta mĂšre dans l’ombre »3. 4 La description que fait Pierre Loti du spectacle des karagöz en 1879, tel qu’il l’a vu en Turquie, ... 2Il voulait dire qu’il la mettrait en scĂšne dans son spectacle du théùtre d’ombres », de maniĂšre Ă  en faire la risĂ©e des spectateurs. Historiquement, c’est le plus ancien passage qui mentionne cet art dans la littĂ©rature arabe. Avec les Ottomans, ce théùtre Ă©voluera au Moyen-Orient sous la forme des marionnettes des karagöz4 – ou encore sous la forme de la lanterne magique » sundĂ»q al-‛ajñ’ib – qui serviront jusqu’à une date trĂšs rĂ©cente Ă  Ă©gayer les soirĂ©es du Ramadan et Ă  accompagner diffĂ©rentes fĂȘtes et cĂ©rĂ©monies. 3Une autre forme de théùtralitĂ© courait dans les grandes anthologies du savoir littĂ©raire et linguistique de l’ñge mĂ©diĂ©val arabe il s’agit de ces grands conteurs et humoristes qui se donnaient en spectacle sur les places publiques de l’époque. C’étaient des virtuoses d’une Ă©tonnante polyvalence. Ils pouvaient aussi bien raconter l’interminable histoire du couple ‛Antar et ‛Abla que l’histoire merveilleuse du voyage nocturne du prophĂšte Mohammad. Mais ils ne manquaient jamais l’occasion d’émailler leur spectacle de passages comiques, lesquels Ă©taient finalement leur domaine de prĂ©dilection. Jahiz raconte dans son livre-phare al-BayĂąn wa al-tabyĂźn l’art et le style de ces humoristes 5 Un quartier de Bagdad. 6 al-BayĂąn wa al-tabyĂźn, AbdessalĂąm HĂąrĂ»n Ă©d., Beyrouth, DĂąr al-jĂźl, t. I, p. 69-70. Nous trouvons parmi ces gens des imitateurs capables de reproduire Ă  la perfection l’accent des habitants du YĂ©men. Ils reproduisent de la mĂȘme maniĂšre l’accent du Khurasanien, de l’Ahwazien, de l’Africain, du Sindien, ainsi que celui des autres ethnies, tant et si bien qu’on le trouve plus naturel qu’eux
 Lorsqu’ils imitent l’aveugle, ils le font grĂące Ă  des mimiques qu’ils impriment Ă  leur visage, Ă  leurs yeux et Ă  leurs membres, si parfaitement que tu pourrais rĂ©unir dix aveugles sans en trouver un seul qui ferait tout cela. On dirait qu’il a rĂ©uni toutes les particularitĂ©s des aveugles en un DabbĂ»ba le Noir al-zinjü
 se mettait Ă  cĂŽtĂ© du loueur d’ñnes Ă  la porte du Karkh5, et commençait Ă  braire, et tous les Ăąnes, qu’ils soient malades, vieux ou fatiguĂ©s, de se mettre Ă  braire
 Il rĂ©unissait en une seule forme tout ce qui constitue le braiment d’un Ăąne
6 4Texte fondamental, surtout dans sa premiĂšre partie, il dĂ©crit en quelque sorte la théùtralitĂ© arabe in statu nascendi. Bien plus, il nous dit d’oĂč ces comĂ©diens avant la lettre, capables Ă  tout moment de crĂ©er le spectacle, tiraient la matiĂšre premiĂšre de leur art. 7 On ne peut pas toutes les Ă©numĂ©rer ici. Chaque pays arabe peut parler de sa propre théùtralitĂ©. On ... 8 Dans L’Aleph, Paris, Gallimard, L’Imaginaire, 1967, p. 117-130. 5Ces formes de théùtralitĂ© vont se rĂ©pandre et se dĂ©velopper dans tout le monde arabe7, mais jamais elles n’aboutiront Ă  un théùtre proprement dit. Jusqu’au milieu du XIXe siĂšcle, les Arabes ignorent le théùtre “à la grecque” ou tel qu’il sera dĂ©veloppĂ© en Europe, dans sa dimension profane et littĂ©raire, Ă  partir du XVIIe siĂšcle. Le Moyen Âge arabe a traduit et acclimatĂ© la plupart des productions philosophiques et scientifiques grecques. Si cette Ă©poque, qui commence Ă  la fin du VIIe siĂšcle, est appelĂ©e Ăąge d’or » par les Arabes, c’est en partie grĂące Ă  tout le mouvement de traduction et d’assimilation de cet hĂ©ritage grec. Ils en ont mĂȘme transmis une copie revue et corrigĂ©e Ă  l’Occident latin. Mais ni le théùtre ni la poĂ©sie ne font partie de ce mouvement de traduction. On comprend pourquoi la poĂ©sie grecque n’a pas Ă©tĂ© traduite les Arabes estimaient que la leur Ă©tait inĂ©galable. Quant au théùtre, ils ignoraient ce que c’était. Dans un petit rĂ©cit fictionnel intitulĂ© La QuĂȘte d’AverroĂšs8, J. L. BorgĂšs montre le philosophe andalou Ă©prouvant toutes les peines du monde Ă  comprendre les mots tragĂ©die » et comĂ©die » qu’il trouve au dĂ©but de la PoĂ©tique d’Aristote. Il faut dire qu’AverroĂšs, qui ne connaissait pas le grec, travaillait en effet sur une traduction de la traduction, car la PoĂ©tique a Ă©tĂ© traduite en arabe Ă  partir d’une traduction syriaque de l’original grec. Une premiĂšre lecture de cette traduction montre Ă  quel point on ignorait tout du théùtre. Tout ce qui relĂšve de l’art de la scĂšne dans le texte d’Aristote – personnage, acteur, rhapsode, spectacle – Ă©tait mal compris, et donc approximativement ou mal traduit. L’exemple des mots “tragĂ©die” et “comĂ©die” est criant. Ils sont en effet traduits respectivement par hijñ’ satire et madĂźáž„ panĂ©gyrique. Mais comment peut-on traduire ce que l’on ignore, sinon en le dĂ©formant pour le ramener vers ce que l’on connaĂźt bien ? Le hijñ’ et madĂźáž„ sont en effet deux genres poĂ©tiques majeurs qui dominaient la production poĂ©tique arabe classique, mais qui n’avaient aucun rapport avec l’activitĂ© scĂ©nique. 9 On peut cependant ouvrir des pistes de discussion. N’oublions pas que le théùtre grec est liĂ© Ă  Di ... 6Pourquoi les Arabes n’ont-ils pas connu cet art et ignoraient-ils tout de son histoire ? Nous ne pouvons rĂ©pondre ici Ă  cette question, car elle mĂ©rite Ă  elle seule toute une recherche9. Par contre, la question qui intĂ©resse notre propos est la suivante quelles sont les stratĂ©gies mises en place pour intĂ©resser un public, arabe en l’occurrence, Ă  un art qui ne fait pas partie de son patrimoine culturel ? C’est la question que se posent les gens de théùtre depuis le milieu du XIXe siĂšcle, date de l’introduction de cet art dans le monde arabe. Les dĂ©buts 7La piĂšce qui signe la naissance du théùtre arabe est L’Avare de MoliĂšre, réécrite et mise en scĂšne par MĂąrĂ»n al-NaqqĂąch 1817-1855 en 1847 Ă  Beyrouth. D’autres piĂšces du mĂȘme genre suivront. Dans l’ensemble, il s’agit d’une transposition pure et simple des spectacles auxquels ces pionniers du théùtre arabe – M. al-NaqqĂąch, Ahmad AbĂ» KhalĂźl al-QabbĂąnĂź 1833-1902, Ya‛qĂ»b Sannû‛ 1839-1912, etc. – ont assistĂ© Ă  Paris, Ă  Londres ou Ă  Rome. Il ne leur vient pas encore Ă  l’esprit de se poser de questions Ă  propos des conditions de rĂ©ussite de cet art. Ils n’interrogent pas non plus l’histoire des arts du spectacle en Occident, ni leur ancrage dans la sociĂ©tĂ©, ni la maniĂšre dont ils ont abouti Ă  des figures telles que MoliĂšre ou Shakespeare. Le fait que cet art rĂ©ussisse en Occident moderne et civilisĂ© » leur suffit pour considĂ©rer qu’il faut l’introduire en Orient, oĂč il pourra devenir un bon outil de promotion de la rĂ©forme, de l’instruction et du progrĂšs. N’oublions pas que, dans cette rĂ©gion du monde, nous vivons encore sous le choc provoquĂ© par la campagne de NapolĂ©on en Égypte, dont les consĂ©quences immĂ©diates ont permis aux Arabes de prendre conscience de leur retard historique », ainsi que de la prospĂ©ritĂ© et du progrĂšs de l’Europe. L’irruption de la modernitĂ© occidentale donne lieu Ă  deux rĂ©actions contradictoires qui ne vont cesser de s’affronter et de se rapprocher, de se haĂŻr et se rĂ©concilier rĂ©gler ses pas sur ceux de l’Occident, ou le rejeter complĂštement. Pour les pionniers du théùtre, les choses sont claires l’Orient arabe doit faire partie de l’Occident civilisĂ© », il faut qu’il adopte par consĂ©quent ses arts, dont le plus rĂ©ussi est le théùtre, c’est la meilleure maniĂšre de s’approprier sa force. 8Les annĂ©es passent
 et l’on se rend compte que ce corps Ă©tranger n’arrive pas Ă  s’acclimater dans ce nouvel environnement, que l’enthousiasme de ces pionniers pour l’implanter et le faire vivre ne suffit pas. On n’arrive pas Ă  intĂ©resser le public autant qu’on l’aurait souhaitĂ©. C’est alors que les vraies questions, qu’on a si longtemps Ă©ludĂ©es, Ă©mergent et qu’on se rend peu Ă  peu compte que la cause du théùtre mĂ©rite mieux qu’une simple transposition. Pour favoriser l’émergence d’un public acquis Ă  cet art, il faut lui parler son langage et s’inscrire dans son imaginaire. Bref, il faut utiliser une mĂ©moire commune et partagĂ©e. D’oĂč ce retour aux textes mĂ©diĂ©vaux qui, certes, ne sont pas connus de tous, mais qui vĂ©hiculent des codes spontanĂ©ment dĂ©chiffrĂ©s par le public. 9Quels sont ces textes mĂ©diĂ©vaux appelĂ©s Ă  la rescousse pour aider ce “corps Ă©tranger” Ă  survivre et, pourquoi pas, Ă  s’enraciner dans la culture arabe ? De quoi est faite cette mĂ©moire commune qui va permettre de lui trouver une place honorable parmi les arts du spectacle dĂ©jĂ  existants ? 10 Il est certain qu’un mouvement tel que la Nahda arabe est le rĂ©sultat d’un processus beaucoup plus ... 10Nous venons de dire que nous Ă©tions encore Ă  cette Ă©poque sous le choc produit par la campagne de NapolĂ©on
 Il y a bien plus. L’Orient arabe est de plus en plus sensible au discours de la Nahda la Renaissance arabe, c’est-Ă -dire Ă  ce discours initiĂ© Ă  l’origine par deux rĂ©formistes religieux – JamĂąl al-DĂźn al-AfgĂąnĂź ob. 1897 et Muhammad ‛Abduh 1849-190510 – et dont le fin mot est la rĂ©novation » ou le renouveau » al-tajdĂźd qui s’oppose au conformisme imitatif al-taqlĂźd. Ce mouvement de renouveau va s’étendre Ă  tous les domaines de la vie en s’appuyant sur deux idĂ©es motrices rĂ©habiliter le passĂ© et tirer profit du progrĂšs de l’Occident. 11 Les limites que nous donnons Ă  cette pĂ©riode – que l’on peut qualifier aussi de “classique” – peuv ... 11ArrĂȘtons-nous sur l’idĂ©e de rĂ©habiliter le passĂ© », puisque c’est elle qui intĂ©resse notre propos au premier chef le passĂ© Ă  rĂ©habiliter est celui qui a fait la grandeur de la civilisation arabe. Il correspond grosso modo Ă  une pĂ©riode qui va du VIIIe au XIVe siĂšcle11. La plupart des textes que le théùtre arabe va investir relĂšvent de cet Ăąge d’or, ou y font rĂ©fĂ©rence. L’ensemble de ces textes – dont certains viennent juste d’ĂȘtre imprimĂ©s par des pionniers de la Nahda –, ainsi que la tradition qui s’y attache, est ce que les Arabes nomment turĂąth. Un mot trĂšs complexe et difficile Ă  traduire de façon pleinement satisfaisante. Bien que la racine de ce mot renvoie Ă  la notion d’“hĂ©ritage”, le terme de “patrimoine” ne suffit pas Ă  rendre la charge affective et idĂ©ologique dont turĂąth est porteur dans la culture arabe. Si la civilisation occidentale, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, a rĂ©ussi une coupure Ă©pistĂ©mologique avec son patrimoine culturel grec et latin et si, par consĂ©quent, l’homme occidental a créé vis-Ă -vis de sa tradition culturelle suffisamment de distance pour pouvoir en ĂȘtre le spectateur, le turĂąth de l’homme arabe est un tout qui continue Ă  vivre en lui. Dans le domaine arabe, une coupure avec le turĂąth que nous pourrons de temps en temps traduire par “patrimoine culturel” ou “patrimoine littĂ©raire mĂ©diĂ©val”, faute de mieux n’est pas Ă  l’ordre du jour, pour la simple raison qu’il est considĂ©rĂ©, en particulier depuis la Nahda, comme l’expression de l’identitĂ© culturelle. Mais ne pas couper avec le turĂąth ne veut pas dire le figer ou le fĂ©tichiser, tout dĂ©pend en fin de compte de la maniĂšre dont on “habite la tradition”. 12On comprend par consĂ©quent pourquoi les pionniers du théùtre arabe cherchent Ă  donner un nouvel Ă©lan Ă  cet art importĂ©, qui s’inscrit entiĂšrement dans le patrimoine culturel de l’Autre l’Occident et n’a aucune chance de prospĂ©rer s’il ne s’agit que d’une simple transposition, d’autant plus que l’image que l’on se fait de cet Autre – progrĂšs, justice, libertĂ© – se ternit au contact d’une rĂ©alitĂ© bien Ă©loignĂ©e de ces idĂ©aux l’expansionnisme, la colonisation qui bafouent les droits nationaux et marginalisent de facto l’identitĂ© culturelle des peuples. 12 Il s’agit du conte de AyyĂ»b le marchand, de son fils GhĂąnim et de sa fille Fitna que l’on peut lir ... 13À Damas, Abou KhalĂźl al-QabbĂąnĂź va chercher dans les textes mĂ©diĂ©vaux l’inspiration pour ses piĂšces de théùtre. Il Ă©crit une piĂšce inspirĂ©e des Mille et une Nuits12 et loue le “Casino italien” pour la faire jouer. Le succĂšs est immĂ©diat et Ă©tonne al-QabbĂąnĂź lui-mĂȘme. Le fait de mettre en scĂšne une histoire qui “parle le langage” de ce nouveau spectateur arabe n’assure pas complĂštement l’enracinement du théùtre dans la culture arabe, mais le met sur la bonne voie. Les religieux sentent le danger et mettent en garde les autoritĂ©s contre les consĂ©quences de cette innovation blĂąmable bid‛a. L’amitiĂ© avec le gouverneur de la Sublime Porte sauve al-QabbĂąnĂź, mais pas pour longtemps. 13 Voir supra le texte du Jahiz. Le hakawĂątĂź conteur raconte la vie des hĂ©ros du passĂ©, mais il peu ... 14Le succĂšs de la piĂšce d’al-QabbĂąnĂź crĂ©e un engouement pour le patrimoine et les textes mĂ©diĂ©vaux arabes. C’est ce qui le pousse Ă  plus de recherches dans le patrimoine culturel arabe, et il prĂ©sente tour Ă  tour des Ɠuvres dont les personnages principaux Antara, Sayf ibn dhi Yazan, Muhalhal Ibn Rabü’a
 sont les hĂ©ros de gestes arabes mĂ©diĂ©vales. Il n’hĂ©sitera pas Ă  Ă©mailler ses piĂšces de chants populaires et des traditions des HakawĂątĂź et des Muqallid connues du monde arabe au moins depuis le VIIIe siĂšcle13. La jeunesse damascĂšne le suit et cherche Ă  s’approprier cet art nouveau qui est certes occidental, mais qui peut facilement accueillir toute sa tradition culturelle, si on lui fournit les textes adĂ©quats. Malheureusement, les gestionnaires du sacrĂ©, de concert avec les institutions politiques, recommencent leur chasse inquisitoriale contre ce nouveau venu. On brĂ»le le théùtre oĂč joue la troupe d’al-QabbĂąnĂź en 1884 et on force son directeur Ă  l’exil. Il choisit l’Égypte, seul espace arabe de l’époque oĂč il peut encore dĂ©fendre la cause du théùtre. 15En Égypte, la vie culturelle profite pleinement des retombĂ©es de la campagne napolĂ©onienne et surtout de l’ouverture complĂšte du pays Ă  l’Occident. Les Français y ont mĂȘme créé un théùtre amateur pour distraire leurs troupes. L’historien al-JabartĂź 1753-1825 nous a laissĂ© un passage oĂč il est question de ce théùtre 14 Journal d’un notable du Caire, Paris, Albin Michel, 1979, p. 274. Ce jour-mĂȘme [28 dĂ©c. 1800] fut achevĂ© le local que [les Français] Ă©difiĂšrent Ă  l’Ezbekeyya prĂšs du lieu connu sous le nom de BĂąb al Hawa’ et que dans leur langue ils appellent la ComĂ©die. Ils dĂ©signent par lĂ  un lieu oĂč ils se rĂ©unissent une fois tous les dix jours, au cours de la nuit, pendant quatre heures de temps, pour assister au spectacle de divertissement que joue un groupe d’entre eux dans leur 15 En 1878, six ans avant l’arrivĂ©e d’al-QabbĂąnĂź et de sa troupe, Ya‛qĂ»b Sannû‛ est sommĂ© de quitter ... 16Il faut ajouter que l’annĂ©e 1869 voit l’inauguration de l’OpĂ©ra du Caire et que c’est lĂ  que des troupes françaises et italiennes vont se produire. Quand al-QabbĂąnĂź et tous les Syro-libanais qui fuient le carcan religieux ottoman arrivent en Égypte, ils ne trouvent pas le vide complet, mais bien un climat propre Ă  les aider Ă  prolonger leurs expĂ©riences commencĂ©es naguĂšre. Le terrain a d’ailleurs Ă©tĂ© prĂ©parĂ© par une autre grande figure du dĂ©but du théùtre arabe, en l’occurrence Ya‛qĂ»b Sannû‛ 1839-191215. Avec Sannu‛, dit AlĂź al-Rñ‛ü 16 Al-Masraáž„ fĂź al-‛ñlam al-‛arabĂź Le Théùtre dans le monde arabe, 2e Ă©dition, KoweĂŻt, 1999, p. 73 ... Le théùtre arabe importĂ© achĂšve les trois genres oĂč il n’a pas cessĂ© de verser ses Ɠuvres depuis la moitiĂ© du siĂšcle dernier 
 la piĂšce sĂ©rieuse 
 qui s’appuie sur le texte littĂ©raire et tend Ă  valoriser les personnes et Ă  les conscientiser ; la ComĂ©die critique Ă  caractĂšre populaire et l’opĂ©rette ou le théùtre chantĂ© qui utilise une histoire théùtrale – souvent mal construite – comme prĂ©texte Ă  un chant individuel ou collectif
16 17AprĂšs le retrait des pionniers – Ă  cause de l’ñge, de l’exil ou tout simplement de la mort –, le théùtre arabe va se perdre dans le troisiĂšme genre Ă©voquĂ© par A. al-Rñ‛ü, Ă  savoir l’opĂ©rette, qui va mĂȘme ĂȘtre transposĂ©e au cinĂ©ma et faire le tour du monde arabe. S’il y a un Ă©lĂ©ment positif Ă  retenir de cette pĂ©riode – qui va de 1847 Ă  l’irruption, dans le dĂ©but des annĂ©es trente, des deux piĂšces de Tawfiq al-HakĂźm que l’on va examiner sous peu –, c’est que s’est constituĂ© pour le théùtre un public acquis dĂ©sormais Ă  la modernitĂ© sous toutes ses formes. C’est mĂȘme grĂące au théùtre que ce public va s’initier Ă  ces autres formes de spectacle que sont le cirque et le cinĂ©ma. Mais ceci est une autre histoire. 18Quant au rapport avec le turĂąth ou avec le patrimoine littĂ©raire mĂ©diĂ©val, il faut constater que le recours aux textes de cette pĂ©riode s’est fait dans l’urgence. Ils ont Ă©tĂ© utilisĂ©s dans le seul but de gagner et de fidĂ©liser un public qui se montrait au dĂ©part rĂ©ticent, et cela a empĂȘchĂ© tout regard critique. Le spectateur est simplement transposĂ© dans un dĂ©cor du passĂ©, pour y rester. Le temps et le lieu de ces textes disparaissent certes, mais sans que leur disparition n’acquiert de valeur heuristique. Rien n’y est ajoutĂ©, si ce n’est parfois les noms des personnages, le dĂ©cor oĂč ils Ă©voluent et la langue arabe moderne qu’ils utilisent. 19Revenir aux textes mĂ©diĂ©vaux pour rapprocher le théùtre d’un public qui au mieux le boudait ou au pire l’ignorait, n’est plus d’actualitĂ©. Il s’agit dĂ©sormais d’investir le contenu de ces textes de nouvelles fonctions, de ne pas l’apprĂ©hender tel qu’il est dans les livres, les manuscrits ou les mĂ©moires, mais aussi tel que l’on a envie qu’il soit ou tel qu’il aurait pu ĂȘtre. Tawfiq al-HakĂźm 1898-1987 20Les deux grandes piĂšces Ahl al kahf Les Gens de la caverne 1933 et Shahrazad 1934 signent la naissance d’un théùtre arabe digne de ce nom. La prĂ©sence de questionnements philosophiques et l’ouverture vers le symbolisme europĂ©en de l’époque sortent le théùtre arabe de cette kyrielle de piĂšces qui privilĂ©gient le rire gratuit, les chansons de piĂštre qualitĂ© et les mĂ©lodrames qui cherchent Ă  Ă©mouvoir le public Ă  peu de frais textuels. Dans ces deux piĂšces, al-HakĂźm rompt avec la tradition des aĂźnĂ©s qui sacrifiaient le texte, la rĂ©flexion et le questionnement, et favorisaient un assemblage dĂ©sordonnĂ© de textes, de chansons, de folklore, etc., offrant au spectateur une catharsis Ă  bon marchĂ©. 17 J. Berque, Langage arabe du prĂ©sent, Paris, Gallimard, 1974, p. 206. 21La piĂšce d’al-HakĂźm Les Gens de la caverne s’inspire du texte mĂ©diĂ©val par excellence, Ă  savoir le Coran. Un texte sacrĂ© en premier lieu, mais ses renvois divers et variĂ©s Ă  des histoires anciennes, le plaisir esthĂ©tique qu’il procure au lecteur arabophone et sa reconstitution continue par l’entreprise exĂ©gĂ©tique amarrent facilement ce texte dans la sphĂšre littĂ©raire. La sourate XVIII dont s’inspire al-HakĂźm en est la meilleure illustration. Le Coran semble ici se lancer dans la crĂ©ation romanesque »17 en emboĂźtant au centre de cette sourate trois rĂ©cits les Dormeurs de la caverne », la Transfiguration de MoĂŻse » et l’histoire de L’homme-aux-deux-Cornes » que l’on prend souvent pour Alexandre le MacĂ©donien. Nous ne considĂ©rons ici que le premier rĂ©cit, puisque c’est lĂ  qu’al-HakĂźm puise la matiĂšre de sa piĂšce. Nous en citons une partie d’aprĂšs la traduction de J. Berque 18 Le Coran, Paris, Albin Michel, 1995, p. 307-308. Tiendras-tu l’aventure des compagnons de la caverne et de l’épitaphe pour un prodige d’entre Nos signes ? Lors, ces jeunes hommes se rĂ©fugiĂšrent dans la caverne et dirent Notre Seigneur, accorde-nous une misĂ©ricorde de Ton sein, mĂ©nage-nous de notre chef rectitude ». Nous assourdĂźmes leurs oreilles dans la caverne pendant des annĂ©es en nombre puis les ranimĂąmes pour savoir lequel des deux partis serait le plus apte Ă  compter le temps de leur sĂ©jour
 Tu les aurais crus Ă©veillĂ©s, alors qu’ils dormaient, et que Nous les retournions sur la droite ou sur la gauche, tandis que leur chien Ă©tendait ses pattes Ă  l’entrĂ©e. Aurais-tu plongĂ© sur eux ton regard, que tu leur eusses tournĂ© le dos pour fuir, tant ils auraient empli ton cƓur de crainte
18 19 La premiĂšre mention de cette lĂ©gende en Occident est dans GrĂ©goire de Tours fin Ve siĂšcle, De gl ... 20 Nous avons reconstruit cette lĂ©gende Ă  partir de plusieurs exĂ©gĂšses coraniques et Ɠuvres mĂ©diĂ©vale ... 22Cette sourate raconte en effet l’histoire de jeunes gens le Coran ne prĂ©cise pas leur nombre, accompagnĂ©s d’un chien, qui, lassĂ©s de vivre au milieu des idolĂątres, partent se cacher dans une caverne oĂč ils plongent dans un sommeil profond. Dieu scelle leurs oreilles et les fait dormir plusieurs annĂ©es le Coran ne prĂ©cise pas le nombre d’annĂ©es. Quand ils se rĂ©veillent, l’un d’eux retourne parmi les hommes et comprend qu’une longue pĂ©riode de temps s’est Ă©coulĂ©e lorsqu’en voulant payer avec une piĂšce d’argent qu’il dĂ©tient, il se rend compte qu’elle n’a plus cours. Et les jeunes gens de dĂ©couvrir la rĂ©alitĂ© du miracle dont ils sont les hĂ©ros
 Le Coran reprend ici Ă  sa maniĂšre la lĂ©gende orientale des Sept Dormants d’ÉphĂšse qui circulait au Moyen Âge arabe, et dont les exĂ©gĂštes mĂ©diĂ©vaux ont retrouvĂ© les dĂ©tails19. Dans les Ă©crits de ces exĂ©gĂštes, on apprend que ces sept Dormants trouvent refuge dans une caverne, au mont CĂ©lion, pour fuir la persĂ©cution des premiers chrĂ©tiens par l’empereur DĂšce v. 200-251 qui les force Ă  sacrifier aux idoles sous peine de mort. Lorsqu’il apprend le lieu de leur refuge, il en fait boucher l’entrĂ©e avec des pierres, afin que les jeunes gens meurent de faim. Deux chrĂ©tiens prennent cependant soin d’écrire la relation de leur martyre et la confient aux pierres de la caverne et Ă  la postĂ©ritĂ©. Plus de trois cents ans plus tard, des maçons, en voulant construire des Ă©tables sur le mont, ouvrent la grotte, et les saints de se lever et de se saluer en pensant qu’ils n’ont dormi qu’une nuit. Lorsque l’un d’eux arrive en ville pour acheter du pain, il est singuliĂšrement surpris de voir la ville d’ÉphĂšse complĂštement transformĂ©e. Vient ensuite l’épisode des piĂšces d’argent les marchands croient qu’il a trouvĂ© un antique trĂ©sor
 Les malentendus se suivent sans que le malheureux puisse comprendre ce qui se passe autour de lui. D’étonnement en Ă©tonnement, tout le monde accepte de l’accompagner jusqu’au mont CĂ©lion, oĂč un Ă©vĂȘque trouve entre les pierres la relation scellĂ©e de deux sceaux d’argent. Le peuple comprend alors qu’il s’agit bien des sept saints et se prosterne en glorifiant Dieu20. 21 Ed. DĂąr al-kitĂąb al-lubnĂąnĂź, Beyrouth, 1984, 142 p. 23Tous ces dĂ©tails, et bien d’autres encore, vont aider al-HakĂźm Ă  asseoir et Ă  enrichir sa matiĂšre dramaturgique. Comment sa piĂšce Les Gens de la caverne21 rĂ©investit-elle ce rĂ©cit ? Qu’est-ce qu’il y ajoute et qu’est-ce qu’il en supprime ? 24Les jeunes dormeurs sont au nombre de trois dans cette piĂšce et leur nom ne rappelle que de loin ceux que leur donnent les textes mĂ©diĂ©vaux. Ils s’appellent dans la piĂšce d’al-HakĂźm MichlĂźniĂą, MarnĂ»ch et YemlĂźkhĂą. Le chien qui accompagne ces trois jeunes gens s’appelle QatmĂźr, un nom que l’on retrouve dans tous les textes mĂ©diĂ©vaux que l’on a citĂ©s, hormis le Coran. 25Al-HakĂźm divise sa piĂšce en quatre actes. Le premier acte prĂ©sente MichlĂźniĂą, MarnĂ»ch, YemlĂźkhĂą et le chien QatmĂźr Ă  l’intĂ©rieur de la caverne, aprĂšs un sommeil qui a durĂ© trois cents ans. Les trois jeunes ignorent cependant tout de cette durĂ©e. Les premiers dialogues de la piĂšce reviennent sur les causes de leur prĂ©sence dans la caverne. Ils voulaient fuir la persĂ©cution des ChrĂ©tiens par le roi DeqiĂąnĂ»s DĂšce. MichlĂźniĂą, le grand ministre de DeqiĂąnĂ»s, a laissĂ© derriĂšre lui une femme qu’il aime, la princesse BrĂźsca, la fille mĂȘme de ce DeqiĂąnĂ»s, convertie comme lui clandestinement au christianisme. Pour sceller cet amour, MichlĂźniĂą, lui a offert avant son dĂ©part une croix en or, tout en lui promettant un retour rapide. MarnĂ»ch, lui aussi ministre de DeqiĂąnĂ»s, a fui en laissant derriĂšre lui sa jeune Ă©pouse et son jeune enfant. Quant Ă  YemlĂźkhĂą, le berger, il a laissĂ© son troupeau Ă  l’abandon pour suivre les deux ministres, afin de prĂ©server lui aussi sa foi. Les trois jeunes gens dĂ©sirent revenir dans leur ville de TarsĂ»s Tarse, mais comment Ă©chapper Ă  la folie du roi ? C’est au berger que revient la difficile mission d’aller chercher de la nourriture. À son retour, il raconte ce qui lui est arrivĂ© juste aprĂšs, on commence Ă  entendre Ă  l’extĂ©rieur, le bruit des gens venus chercher le trĂ©sor, un passage digne du film Les Visiteurs 22 Ibid., p. 24-25. Ce passage marque le dĂ©but d’une kyrielle de quiproquos – domaine oĂč al-HakĂźm va ... MarnĂ»ch C’est tout ce que tu as fait ? OĂč est la nourriture ?YemlĂźkhĂą Si vous saviez ce que j’ai vu et entendu ?MarnĂ»ch Parle !YemlĂźkhĂą Ă  peine avais-je fait deux pas que j’ai vu devant moi un cavalier habillĂ© bizarrement on aurait dit un chasseur. Je lui ai montrĂ© l’argent que j’avais pour lui acheter son gibier, mais il a eu l’air terrorisĂ© en m’apercevant
 Tout en restant sur ses gardes, il a fini par prendre une piĂšce d’argent et a commencĂ© Ă  l’examiner, et sans cacher sa crainte ni sa surprise, il a lancĂ© en bafouillant et en la retournant dans tous les sens DeqiĂąnĂ»s, frappĂ©e Ă  l’époque de DeqiĂąnĂ»s ! ». Il a ensuite levĂ© la tĂȘte et m’a dit aprĂšs avoir repris courage Tu en as beaucoup comme ça ? ». Lorsque j’ai sorti tout ce que j’avais, il m’a dit OĂč l’as-tu trouvĂ© ? », Quoi ? » ai-je dit. Ces piĂšces anciennes
 ce trĂ©sor ? ! » a-t-il rĂ©pondu. J’ai pensĂ© que cet homme Ă©tait fou
 Je lui ai alors arrachĂ© ma piĂšce et me suis Ă©loignĂ© de lui
22 26Le deuxiĂšme acte se dĂ©roule dans la ville de TarsĂ»s devenue chrĂ©tienne, gouvernĂ©e par un roi trĂšs pieux qui ne se sĂ©pare pas de la Bible et honore les saints. Il a une fille trĂšs belle qui s’appelle aussi BrĂźska en souvenir de son aĂŻeule. Elle a hĂ©ritĂ© de celle-ci son prĂ©nom, son amour pour le Christ et surtout sa croix en or. L’éducation de la princesse est confiĂ©e Ă  GaliĂąs, le philosophe, qui n’a pas manquĂ© bien sĂ»r de lui raconter l’histoire de sa sainte aĂŻeule, ainsi que celle des trois saints c’est ainsi que GaliĂąs et les habitants de ville les appellent maintenant qui avaient fui la persĂ©cution de DeqiĂąnĂ»s. 27La prĂ©sence des trois dormeurs laisse la ville perplexe. On Ă©prouve mĂȘme de l’aversion devant leur aspect extĂ©rieur. Le fait que GaliĂąs, le roi et le religieux croient Ă  leur saintetĂ© n’attĂ©nue qu’à peine leur terreur. Celle-ci est Ă  son comble lorsque MichlĂźniĂą “retrouve” sa bien aimĂ©e BrĂźskĂą BrĂźska, Ă  peine les voit-elle qu’elle Ă©touffe un cri et s’accroche aux pans des habits de GaliĂąs Mon Dieu !MichlĂźniĂą, Ă  peine voit-il la princesse qu’il lui lance Ă  voix basse et sans se contrĂŽler BrĂźskĂą !
BrĂźskĂą, se protĂšge, terrorisĂ©e, derriĂšre GalliĂąs Ah ! as-tu entendu ? Il a prononcĂ© mon en chuchotant Tu as vu ? C’est un saint. 28Le suspens menĂ© Ă  bien par al-HakĂźm, grĂące Ă  des quiproquos minutieusement concoctĂ©s, va durer longtemps jusqu’à ce que les trois dormeurs se rendent compte de l’étrangetĂ© de la situation. Le premier Ă  s’ĂȘtre rendu Ă  l’évidence est le berger YemlĂźkhĂą 23 Ibid., p. 54-55. YemlĂźkhĂą Sais-tu combien de temps nous sommes restĂ©s dans la caverne ?MarnĂ»ch Une semaine ? YemlĂźkhĂą rit nerveusement et trĂšs fort. Un mois si l’on se fie Ă  ton fabuleux calcul ?YemlĂźkhĂą, de maniĂšre effrayante Trois cens ans. Imagine cela
 Trois cents ans, nous sommes restĂ©s lĂ  dans cette caverne
MarnĂ»ch Pauvre jeune homme !YemlĂźkhĂą Ce jeune homme a trois cent ans et des poussiĂšres. DeqiĂąnĂ»s est mort il y a trois cents ans et notre monde a disparu il y a trois Notre monde a disparu ? Et oĂč sommes-nous aujourd’hui ?YemlĂźkhĂą Celui que nous voyons lĂ  est un autre monde avec lequel nous n’avons pas de As-tu bu quelque chose, YemlĂźkhĂą ?YemlĂźkhĂą Je n’ai rien bu et je ne suis pas fou. Je te dis la vĂ©ritĂ©. Sors, fais un tour en ville et tu Je comprendrai quoi ?YemlĂźkhĂą Tu comprendras qu’il ne faudra pas que nous restions ne serait-ce qu’une minute avec ces 29Le deuxiĂšme acte prend fin lorsque YemlĂźkhĂą quitte ses deux amis encore incrĂ©dules et retourne vers la caverne, incapable qu’il est d’affronter une autre rĂ©alitĂ© que celle qu’il a vĂ©cue sous DeqiĂąnĂ»s. 30Dans le troisiĂšme chapitre, MarnĂ»ch se rend compte Ă  son tour que l’enfant et l’épouse qui l’attendaient sont morts trois cents ans auparavant et que sa maison est Ă  prĂ©sent un marchĂ© aux armes. Un vieux mendiant, qui avait entendu parler de son fils, lui a appris qu’il Ă©tait mort en martyr Ă  l’ñge de soixante ans » p. 75. Il part lui aussi Ă  la caverne retrouver le berger. Quant Ă  MichlĂźniĂą, il continue de croire que la BrĂźskĂą qui est devant lui est celle qu’il a toujours aimĂ©e. Sa conviction se renforce lorsqu’il aperçoit la croix en or MichlĂźniĂą, en tombant Ă  genoux BrĂźskĂą, je souffre, pourquoi me fais-tu souffrir ? Dis-moi la vĂ©ritĂ© au lieu de te moquer de moi et de louvoyer ! Dis un seul mot de ta voix profonde et sincĂšre pour que je me convainque et que je sois tranquille. Jure-moi plutĂŽt
BrĂźskĂą Je te le jure !MichlĂźniĂą, il voit la croix Ă  son cou Oui, jure sur cette croix. Que je suis content ! C’est ma croix que tu portes. Merci, surprise Ta croix !MichlĂźniĂą N’est-ce pas lĂ  une preuve que tu es fidĂšle Ă  notre engagement. Oui. Mon cƓur me dit toujours que tu es innocente, j’en suis certain. Mais je demande confirmation, je veux en avoir le cƓur net. p. 90 31C’est BrĂźskĂą qui va lui expliquer qu’elle n’est pas BrĂźskĂą, la fille de DeqiĂąnĂ»s, cette BrĂźskĂą qui s’est convertie au christianisme par amour pour lui et qui l’a attendu jusqu’à sa mort Ă  l’ñge de cinquante ans. MichlĂźniĂą dĂ©cide alors de revenir lui aussi Ă  la caverne, mais entre-temps, une histoire d’amour naĂźt entre lui et la descendante de sa bien aimĂ©e. 32Dans le quatriĂšme et dernier acte, on assiste Ă  la conversation des trois jeunes gens Ă©tendus dans la caverne, faisant le bilan de leur brĂšve sortie et attendant une deuxiĂšme mort, peut-ĂȘtre la derniĂšre. BrĂźskĂą dĂ©cide de les rejoindre, non pas pour rechercher la saintetĂ©, Ă  l’image de son aĂŻeule, mais par amour pour MichlĂźniĂą BrĂźskĂą Autre chose GĂąliĂąs, si les gens apprennent mon histoire, tu la leur racontes comme je t’ai conseillĂ© de faire
GĂąliĂąs, se prĂ©pare Ă  sortir Que tu es une Mais non, bĂȘta, je ne t’ai pas conseillĂ© de dire Que tu es une femme Oui
 C’est tout. p. 141 24 Traduction, prĂ©face et notes par J. Trabucco, Paris, GF-Flammarion, 1964. 33Si cette piĂšce a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme la premiĂšre digne de ce nom dans l’histoire de la littĂ©rature arabe, c’est parce qu’elle a merveilleusement rĂ©ussi, croyons-nous, Ă  s’inspirer des textes mĂ©diĂ©vaux pour les rĂ©investir. Tawfiq al-HakĂźm a pu y mener conjointement deux intrigues dramatiques. La premiĂšre est celle que l’on peut appeler l’intrigue historique ou religieuse, qui consiste tout simplement Ă  reconduire l’histoire des trois jeunes dormants, telle qu’elle se dĂ©ploie dans le Coran. La lettre du texte coranique montre que le but recherchĂ©, via cette histoire, est d’exposer un miracle Ă©difiant qui est Ă©galement une preuve de la toute-puissance divine pouvoir sauver des croyants pourchassĂ©s par un roi idolĂątre, pouvoir ressusciter les corps, etc. Admettons qu’al-HakĂźm se soit contentĂ© de ce niveau, sa piĂšce n’aurait eu aucune originalitĂ©, et le dialogue et le dĂ©cor installĂ©s par le dramaturge n’auraient rien ajoutĂ© pour le public ou le lecteur qui connaĂźt cette histoire par cƓur. Autrement dit, le turĂąth aurait eu pour al-HakĂźm un caractĂšre figĂ© et indĂ©passable. La deuxiĂšme intrigue que l’on peut qualifier de philosophique montre bien que le turĂąth est dynamique et qu’il peut Ă  chaque fois accueillir un regard nouveau. Cette intrigue pose le problĂšme du temps et montre Ă  quel point il est difficile de suivre la vitesse infernale du progrĂšs. La sociĂ©tĂ© Ă©volue trĂšs vite et il est impossible pour des gens d’“hier” de rattraper leur retard. À aucun moment al-HakĂźm ne nous donne une dĂ©finition du temps, mais elle affleure dans toute la piĂšce. D’ailleurs qui peut dire ce qu’est le temps ? On peut reposer cette question en paraphrasant Merleau-Ponty peut-on dĂ©finir une notion qui n’est pas un objet de notre savoir, mais une dimension de notre ĂȘtre ? L’intrigue philosophique d’al-HakĂźm rejoint ce que dit saint Augustin dans les Confessions livre XI, chap. 14 Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus »24. 34En lisant et en relisant Les Gens de la caverne, on se rend compte que l’expĂ©rience du temps chez ce dramaturge est celle d’une aliĂ©nation incessante. L’au-delĂ  de bonheur promis Ă  ces bons croyants dans le Coran ne rĂ©siste pas au perpĂ©tuel deuil que laisse derriĂšre lui l’écoulement du temps. Les trois jeunes Dormants restent inconsolables ni le titre de saintetĂ© immĂ©diate que la population leur dĂ©cerne ni la saintetĂ© Ă  venir promise par Dieu ne peuvent apaiser leur tourment et leur faire oublier leur amour, fĂ»t-ce un amour qui date de trois cents ans. Leur regret triomphe de leur espĂ©rance. Ils ne reviennent pas Ă  la caverne dans l’espoir d’une rĂ©compense, ils y reviennent parce qu’il leur est difficile de s’adapter au devenir et d’accepter avec joie ce que cet instant de rĂ©surrection peut leur apporter. De ce point de vue, l’intrigue philosophique de la piĂšce effectue un revirement Ă  peine perceptible dans le texte la situation des trois Dormants n’est plus seulement celle de ces saints dĂ©crits dans le texte coranique, mais bel et bien une situation qui dĂ©rive de l’affectivitĂ© de toute personne et du dĂ©roulement de son histoire. Refuser le devenir n’est pas seulement une affaire de personnes mythiques qui reviennent nous rendre visite aprĂšs trois cents ans, mais l’affaire de tout homme qui perd ses repĂšres dans un monde qui le broie et devant lequel il est dĂ©muni. Le futur rĂ©el est en principe inconnaissable et vide. Nous ne connaissons en fait que notre passĂ©, et du futur seuls les Ă©lĂ©ments que peut nous procurer notre passĂ©, dont les Ă©motions, les passions et la conscience sont concrĂštes. C’est le passĂ© qui va Ă©viter que le futur ne sombre dans le nĂ©ant complet, c’est lui qui nous apprend que nous ne pouvons espĂ©rer que ce que nous avons appris Ă  espĂ©rer, que nous ne pouvons attendre que ce qui fait dĂ©jĂ  partie de notre conception. Un homme qui n’a rien appris de son passĂ© n’a pas d’histoire, il n’a que des instincts. Celui-lĂ , il lui manquera toujours cette catĂ©gorie de pensĂ©e qui, Ă  partir des Ă©lĂ©ments que le passĂ© nous apprend, l’aidera Ă  se projeter dans l’avenir. Bref, il ne reste Ă  un homme qui n’a rien appris de son passĂ© qu’à revenir Ă  la caverne. Ici, al-HakĂźm rejoint parfaitement Platon qui souhaite que les gens de sa caverne la quittent pour qu’ils puissent, une fois Ă  l’extĂ©rieur, rĂ©orienter leur regard vers les rĂ©alitĂ©s vĂ©ritables. Mais s’ils ne sont pas prĂ©parĂ©s Ă  effectuer cette sortie, ces rĂ©alitĂ©s pourront les Ă©blouir et les aveugler. C’est ce qui est arrivĂ© Ă  nos trois Dormants. 35Al-HakĂźm rĂ©pĂšte sous une forme dramatique l’ordre religieux dĂ©jĂ  dĂ©crit dans le Coran, mais en mĂȘme temps qu’il rĂ©pĂšte cet ordre il enchĂąsse l’ordre philosophique, ce qui produit subrepticement et comme par degrĂ©s, une modification considĂ©rable du texte rĂ©pĂ©tĂ©. Subrepticement, parce que le remplacement d’un ordre par un autre ne s’offre pas Ă  la premiĂšre lecture ; tout au plus arrive-t-on Ă  comprendre que l’ordre philosophique est un commentaire en marge de l’ordre religieux. AprĂšs plusieurs lectures, on finit par saisir que la piĂšce contient deux enseignements l’un Ă  caractĂšre Ă©difiant au premier plan et l’autre philosophique que l’on peut lire entre les lignes. 25 Nous utilisons pour cette piĂšce l’édition du Caire, al-Matba’a al-namĂ»dajiyya, La piĂšce compt ... 36Al-HakĂźm va renouveler l’expĂ©rience avec une autre piĂšce Ă©crite un an aprĂšs Les Gens de la caverne. Il s’agit de la piĂšce intitulĂ©e Shahrazade25. Al-HĂąkĂźm s’inspire encore d’un grand texte mĂ©diĂ©val arabe, les Mille et une Nuits, et plus prĂ©cisĂ©ment de ce que l’on appelle le conte-cadre dont on peut rĂ©sumer en quelques mots la trame un souverain sassanide nommĂ© ChahriyĂąr, qui rĂšgne sur un grand royaume, dĂ©couvre par hasard que sa femme le trompe. Pensant qu’il n’existe sur terre aucune femme vertueuse, il dĂ©cide alors de se venger en faisant tout d’abord dĂ©capiter son Ă©pouse, et se met alors chaque jour Ă  Ă©pouser une jeune fille et Ă  la tuer la nuit mĂȘme. Cette vengeance dure trois annĂ©es pendant lesquelles le royaume est terrorisĂ© les familles cachent et font disparaĂźtre leurs filles. C’est lĂ  qu’intervient Shahrazade, la fille du vizir de ChahriyĂąr elle raconte des histoires au roi, en s’arrangeant pour que la fin de l’histoire ne coĂŻncide pas avec l’apparition de l’aube. Au bout de mille et une nuits, elle sauve les jeunes femmes des griffes du roi et se voit reconnaĂźtre comme femme lĂ©gitime et reine. 37La piĂšce est constituĂ©e de sept tableaux que Tawfiq al-HakĂźm appelle paysage » manzar. Le premier chapitre nous place d’entrĂ©e de jeu dans un dĂ©cor qui n’a rien Ă  voir avec celui oĂč Shahrazade a officiĂ© pendant mille et une nuits. Nous sommes dans un endroit dĂ©sert oĂč l’on ne distingue dans la nuit noire qu’une maison isolĂ©e qu’une lampe Ă©claire Ă  peine. C’est la maison oĂč le roi ChahriyĂąr vient dĂ©sormais s’entretenir clandestinement avec le magicien. On apprend dans ce chapitre que ce n’est plus l’amour et les histoires de Shahrazade qui empĂȘchent le roi de ne pas tuer au matin la compagne, chaque fois renouvelĂ©e, de sa nuit Le bourreau Je ne suis plus le J’ai bourreau Qu’est-ce que tu as compris ?L’esclave N’est-ce pas la fĂȘte des vierges aujourd’hui ?Le bourreau Si. Le roi n’a plus besoin de surpris Ce corps de Shahrazade alors !Le bourreau Mais non, ce n’est plus le corps de Shahrazade qui empĂȘche le roi de tuer des vierges. 
L’esclave Étonnant ! Le roi n’a plus besoin non plus de la reine pour lui raconter des histoires jusqu’à ce que l’aube la surprenne et qu’il ne lui soit plus permis de bourreau, en chuchotant Le roi est atteint mentalement. p. 18-19 et 22 38Shahrazade d’al-HakĂźm ne s’inscrit plus dans la thĂ©matique de l’adultĂšre qui dĂ©clenche les Nuits et donne Ă  notre hĂ©roĂŻne le rĂŽle de celle qui sauve par ses contes les filles du royaume. 39Dans le deuxiĂšme tableau, nous retrouvons le dĂ©cor des Nuits et le palais de ChahriyĂąr, mais pas avec le mĂȘme ChahriyĂąr, ni la mĂȘme Shahrazade. Shahrazade essaie de ramener le roi Ă  la raison, c’est-Ă -dire Ă  elle, et ChahriyĂąr essaie d’oublier son passĂ© rĂ©cent et de ne voir en sa compagne qu’une femme rusĂ©e et trompeuse » p. 60. ChahriyĂąr, Ă©puisĂ© Je ne demande qu’une Laquelle ?ChahriyĂąr Pourquoi ? Qu’est-ce qui t’arrive ?ChahriyĂąr La vie n’a plus rien de neuf. J’en ai fait le tour. 
Shahrazade Tu es devenu fou, je le jure ! Ton esprit n’en peut plus. Quel secret cherches-tu, dĂ©traquĂ© que tu es ? Ne rĂ©alises-tu pas que tu consumes le reste de ta vie Ă  vouloir satisfaire une curiositĂ© trompeuse ? p. 61-62 40ChahriyĂąr, qui Ă©tait fou de son Ă©pouse et toujours suspendu Ă  ses lĂšvres, devient insensible Ă  ses charmes. Il lutte corps et Ăąme pour Ă©chapper Ă  son emprise. Shahrazade le trouble et lui fait peur. Sa beautĂ©, son charme, tout ce qui a un rapport avec son corps, y compris les mots qu’elle prononce, cachent bien des mystĂšres selon ChahriyĂąr ; ils forment un voile » p. 67 que le roi cherche Ă  faire tomber pour percer le secret de cette femme qui N’est peut-ĂȘtre pas une femme. Que serait-elle au juste ? Je te demande qui est cette femme ? Comment celle qui a Ă©tĂ© toute sa vie prisonniĂšre de son gynĂ©cĂ©e peut-elle connaĂźtre tous les secrets de la terre
 On dirait qu’elle Ă©tait la terre entiĂšre
 Elle connaĂźt l’Égypte, l’Inde et la Chine
 Comment cette pucelle connaĂźt-elle les hommes comme une femme qui aurait vĂ©cu mille ans parmi eux ?
 p. 66 41Pour lui, Shahrazade est l’altĂ©ritĂ© absolue, la multiplicitĂ© Ă  l’infini, elle est lĂ , mais sans qu’il puisse la voir ; serait-elle l’équivalent de ces ombres qu’on voit dĂ©filer et s’évanouir sur la paroi de la caverne ? 42Ce qui intĂ©resse dĂ©sormais ChahriyĂąr est la recherche du seul savoir. Mais cette recherche provient de son dĂ©sir d’aller au-delĂ  du corps de Shahrazade. ChahriyĂąr a compris que le corps de sa compagne lui joue des tours p. 75 et que, s’il ne saisit pas le secret » dont son corps est le lointain reflet, il risque de renouer avec son passĂ© de coupeur de tĂȘte, voire de sombrer dans le dĂ©sespoir et la folie. Son dĂ©sir pour le seul savoir est d’abord motivĂ© par le dĂ©sir de la connaĂźtre, voire de s’en approprier le savoir. La rĂ©ponse de Shahrazade est sans appel Je ne possĂšde pas ce que tu cherches. Tu demandes l’impossible » p. 69. 43Dans le troisiĂšme chapitre, ChahriyĂąr est convaincu qu’il ne pourra pas faire de Shahrazade un objet de savoir. Il dĂ©cide alors de s’en sĂ©parer en entreprenant un long voyage, non sans oublier de dĂ©clarer Ă  Shahrazade Je ne reviens plus Ă  ton beau corps
 J’en ai assez des corps
 J’en ai assez des corps
 J’en ai assez des corps ! ! » p. 92. ChahriyĂąr a-t-il oubliĂ© que la satiĂ©tĂ© est contraire Ă  la satisfaction ? 44Les autres tableaux dĂ©crivent ChahriyĂąr Ă  la recherche de l’absolu. Il veut se prouver Ă  lui-mĂȘme et Ă  Shahrazade qu’il n’est pas un pauvre enfant qui court derriĂšre des mirages, comme elle le dit, mais bien un homme capable de sagesse, capable de s’identifier Ă  une immuable plĂ©nitude grĂące au savoir. Lorsqu’il revient de son voyage, il la surprend dans les bras d’un Noir ; on se croit reparti pour d’autres Mille et une Nuits. On croit que ChahriyĂąr va renouer avec ses mĂ©thodes sanguinaires. Et bien non ! Ce spectacle ne l’émeut point. Il le laisse indiffĂ©rent. 45Cette piĂšce est une autre tentative philosophique d’al-HakĂźm pour poser le problĂšme de la libertĂ© et de la destinĂ©e, en travestissant un texte mĂ©diĂ©val mondialement connu et apprĂ©ciĂ©. Que cherche un homme apparemment comblĂ©, qui a le pouvoir, la richesse et une femme dont la beautĂ© n’a d’égale que l’intelligence ? Que cherche une femme qui est Ă©pouse, mĂšre et reine et qui a redonnĂ© la vie et l’espoir Ă  toutes les filles du royaume ? 46La piĂšce montre que, telle une malĂ©diction, notre dĂ©sir n’est jamais satisfait. Il nous suffit d’accĂ©der Ă  l’objet de notre dĂ©sir pour qu’il cesse d’ĂȘtre aussi dĂ©sirable. La dĂ©ception est notre lot. Le dĂ©sir de vengeance est apaisĂ© chez ChahriyĂąr par les contes de Shahrazade. Les contes sont dĂ©trĂŽnĂ©s par l’amour de Shahrazade. L’amour de Shahrazade devient amour du savoir de Shahrazade, puis amour du savoir tout court. Le savoir n’est dĂ©sormais rien aux yeux de ChahriyĂąr, rongĂ© qu’il est par la mĂ©lancolie Shahrazade Tu es maintenant un homme suspendu entre ciel et terre et rongĂ© par l’angoisse. J’ai essayĂ© de te faire revenir sur terre, mais ma tentative a Ă©chouĂ©. p. 185 47Entre ciel et terre
 Vouloir quitter la terre pour arrĂȘter le dĂ©sir est dĂ©risoire. Passer d’un objet de dĂ©sir Ă  un autre est source de douleur, mais peut-on arrĂȘter ce processus sans Ă©chapper Ă  la condition humaine ? Shahrazade a compris que la vie est un jeu dans tous les sens du terme. Elle ne renonce pas Ă  l’amour, bien qu’elle sache aussi qu’il peut dĂ©cevoir. Elle ne renonce pas au plaisir, bien qu’elle sache aussi qu’il dĂ©passe souvent la capacitĂ© que l’on a de le satisfaire. Elle ne renonce pas aux contes, bien qu’elle soit consciente qu’ils ne peuvent pas ĂȘtre un rempart contre la mort. D’ailleurs, la piĂšce d’al-HakĂźm finit par le suicide de Qamar, le vizir de ChahriyĂąr qui est tombĂ© amoureux de Shahrazade. Contrairement Ă  ChahriyĂąr qui quitte dĂ©finitivement le palais et perd ses fonctions de roi, Qamar n’a pas supportĂ© le spectacle de Shahrazade dans les bras de l’esclave. La mort est le point de dĂ©part des Mille et une Nuits, elle est le point d’arrivĂ©e de la Shahrazade d’al-HakĂźm. 26 Cette piĂšce, Ă©crite en 1919, est aujourd’hui introuvable. C’est l’histoire d’un hĂŽte qui arrive ch ... 27 Le but de ce voyage est de faire une thĂšse en droit, mais l’amour du théùtre, de la littĂ©rature et ... 48Ces deux piĂšces montrent qu’al-HakĂźm, non seulement maĂźtrise le patrimoine littĂ©raire mĂ©diĂ©val et sait le rĂ©investir dans le théùtre, mais qu’il peut aussi le retoucher pour en proposer une version philo-sophiquement plus profonde que l’original Les Gens de la caverne, voire le prolonger Ă  sa maniĂšre Shahrazade. Le problĂšme, c’est qu’avec ce théùtre d’idĂ©es, dans lequel les Ă©vĂ©nements sont systĂ©matiquement mis au service d’une philosophie de la vie, les piĂšces sont plutĂŽt Ă©crites pour ĂȘtre lues que pour ĂȘtre reprĂ©sentĂ©es. Al-HakĂźm en est conscient et c’est ce qu’il recherche. En effet, aprĂšs avoir Ă©crit des piĂšces qui traitent de problĂšmes de l’époque tels que l’occupation britannique al-Dayf al-thaqĂźl – L’HĂŽte pesant26 et la situation de la femme arabe La Nouvelle femme, 1923, il dĂ©cide, aprĂšs un sĂ©jour Ă  Paris27, d’écrire des piĂšces destinĂ©es Ă  ĂȘtre lues plus qu’à ĂȘtre jouĂ©es 28 L’introduction Ă  sa piĂšce Pygmalion, Tunis, Al-DĂąr al-tĂ»nissiyya li al-nachr, 1978 1re Ă©d. 1942, ... Aujourd’hui, j’installe mon théùtre dans l’esprit et je fais des comĂ©diens des idĂ©es qui se dĂ©placent dans l’absolu des notions, lesquelles idĂ©es sont toutes de symboles vĂȘtues
 Le fossĂ© s’est creusĂ© entre la scĂšne et moi. Je n’ai pas trouvĂ© d’autre “pont” pour acheminer ce genre d’Ɠuvres vers les gens que l’imprimerie !28 29 Signalons que la Troupe Nationale d’Égypte, créée en aoĂ»t 1935, a jouĂ© Les Gens de la caverne en 1 ... 49Il n’empĂȘche qu’avec ces deux piĂšces29, le théùtre arabe finit par trouver sa voie, il peut dĂ©sormais compter sur des textes arabes tirĂ©s d’un patrimoine culturel arabe. L’art dramatique, en dĂ©pit des entraves qui apparaissent encore ici et lĂ , est maintenant un art complĂštement acceptĂ© dans la sociĂ©tĂ© arabe. Cela reprĂ©sente un exploit historique Ă©norme, surtout lorsqu’on pense que la premiĂšre piĂšce, L’Avare, n’a Ă©tĂ© jouĂ©e qu’en 1847. 30 N’oublions pas qu’aprĂšs avoir Ă©crit ces deux piĂšces puisĂ©es dans le passĂ© mĂ©diĂ©val arabe, T. al-Ha ... 31 On peut en lire la traduction dans Les Mille et une Nuits, cit., vol. I, p. 261-292. 50Un art acceptĂ©, sans doute ; adoptĂ© et entrĂ© dans les mƓurs, c’est Ă  vĂ©rifier. Au moment oĂč les troupes se multiplient en Égypte, au moment oĂč la troupe RamsĂšs » vit ses heures de gloire sous la houlette de Youssef WahbĂź, Ă  la fois grand amateur du théùtre et mĂ©cĂšne, le MinistĂšre de la Culture dĂ©cide de fermer le premier Conservatoire d’art dramatique arabe créé au Caire en 1931, sous prĂ©texte que la mixitĂ© de ses classes porte atteinte aux mƓurs. Mais ce n’est qu’un accident de parcours naturel, dirions-nous, dans le climat social et culturel du Moyen-Orient des annĂ©es trente. La recherche des sources mĂ©diĂ©vales n’a jamais Ă©tĂ© aussi foisonnante. Si l’évolution de l’écriture théùtrale de T. al-Hakim atteste d’un abandon des textes mĂ©diĂ©vaux30, cela n’a pas Ă©tĂ© le cas chez d’autres dramaturges. Jusqu’au dĂ©but des annĂ©es soixante, le nombre des piĂšces qui reprennent, réécrivent, adaptent et rĂ©adaptent des textes du turĂąth ne fait qu’augmenter. Pour rester dans le domaine des Mille et une Nuits, on peut citer par exemple la piĂšce d’AlĂź Ahmad BĂąkathir 1910-1969 intitulĂ©e Le Secret de Shahrazade 1953, qui s’appuie elle aussi sur le conte-cadre, non pas pour verser dans une quelconque recherche de l’absolu Ă  la maniĂšre de Shahrazade d’al-HakĂźm, mais bien pour faire de ce conte un instrument politique de rĂ©sistance Shahrazade n’est plus la conteuse recluse dont les histoires “tombent du ciel”, mais une femme qui a une bibliothĂšque pour se documenter et rĂ©pondre Ă  chaque situation concrĂšte par un conte concret. ChahriyĂąr est certes un roi, mais comme tout roi, il peut ĂȘtre nu. Citons aussi la piĂšce d’Alfred Farag nĂ© en 1926, HallĂąq BaghdĂąd Le Barbier de Bagdad, 1963. C’est une piĂšce en deux tableaux. Le premier tableau, l’histoire de Youssef et Yasmina, est tirĂ© des Milles et une Nuits et tout particuliĂšrement de l’Histoire du barbier31 ; quant au deuxiĂšme tableau, il puise son histoire dans une Ă©pĂźtre du Jahiz intitulĂ©e La Parure des femmes. 32 On trouvera la traduction de quelques passages dans Jacques Berque, Musique sur le fleuve. Les plu ... 51On peut aussi citer le théùtre en vers initiĂ© par le poĂšte Ahmad Shawqi 1868-1932 qui a signĂ©, entre autres, sa piĂšce la plus rĂ©ussie MajnĂ»n Layla Le fou de Layla, 1931 dont le sujet est empruntĂ© Ă  l’histoire et aux lĂ©gendes mĂ©diĂ©vales arabes. Ses piĂšces vont ĂȘtre suivies par celles d’Aziz Abaza, et surtout celle qui va connaĂźtre une grande rĂ©ussite dans les annĂ©es quarante, Ă  savoir Qays et LubnĂą 1943 il s’agit de l’histoire d’un amour impossible qu’A. Abaza va puiser dans la grande compilation mĂ©diĂ©vale d’al-AsfahĂąnĂź, connue sous le nom d’Al-AghĂąnĂź Les Chansons32. 52On peut continuer Ă  multiplier les exemples
 Ils prouvent tous que le théùtre a fini par trouver sa voie dans la culture arabe. Mais Ă  partir du dĂ©but des annĂ©es soixante, des voix s’élĂšvent de plus en plus pour dire que c’est le théùtre Ă  l’italienne », le théùtre occidental, qui a Ă©tĂ© acclimatĂ©. Il ne s’agit que d’un théùtre en arabe et non pas d’un théùtre arabe. Si la plupart de ces piĂšces ont puisĂ© dans le turĂąth, si elles maĂźtrisent de plus en plus le patrimoine littĂ©raire arabe et savent le rĂ©investir Ă  merveille, elles ne le font qu’en adoptant la forme théùtrale occidentale. Il est temps d’investir, non seulement le contenu que ce patrimoine met Ă  notre disposition, mais aussi les formes théùtrales qu’on peut y trouver. Le problĂšme n’est plus d’utiliser le turĂąth, mais de savoir comment l’utiliser ? 53L’Égyptien Youssef Idriss 1927-1991 est une figure emblĂ©matique de cette gĂ©nĂ©ration qui va appeler de ses vƓux un théùtre spĂ©cifiquement arabe. Sa position est la plus radicale, comparĂ©e Ă  celles des dramaturges de sa gĂ©nĂ©ration. Il Ă©crit en 1964 33 Introduction Ă  al-FarĂąfĂźr Les Scapins, Le Caire, Maktabat Misr, 1984, p. 7. Dans la presse, les livres, les colloques, c’est toujours la mĂȘme question qui revient Y a-t-il vraiment un théùtre Ă©gyptien ? A-t-il existĂ© un jour ? 
 Question Ă©trange, qui revient en rĂ©alitĂ© Ă  se poser cette autre question Y a-t-il vraiment un peuple Ă©gyptien ? A-t-il vraiment existĂ© ? 
 La comparaison est un peu exagĂ©rĂ©e, mais elle est tout Ă  fait sincĂšre, car tant qu’un peuple existe, il lui est indispensable, pour vivre et exister, de manger, de boire, de danser, de rire et aussi, pour ainsi dire, de se théùtraliser 
. En fait, cette question vient de ce que nous dĂ©signons, lorsque nous parlons du théùtre, c’est ce lieu prestigieux surmontĂ© d’un dĂŽme, avec une scĂšne, des acteurs et des histoires. Il s’agit lĂ  bien sĂ»r d’un théùtre, mais non pas de tout le théùtre. Le théùtre a des formes diverses et variĂ©es dont cette sorte de théùtre n’est qu’un Ă©lĂ©ment. Mais d’autres formes théùtrales ont une existence rĂ©elle dans la vie des diffĂ©rents 34 En arabe marocain sltĂąn ətəlba. C’est une sorte de cĂ©rĂ©monie qui avait lieu au printemps derriĂšre ... 54C’est ainsi qu’il va lancer un appel Ă  tous les dramaturges arabes pour qu’ils s’inspirent des formes théùtrales dĂ©jĂ  existantes dans la tradition arabe, en gĂ©nĂ©ral, et dans la tradition de chaque pays, en particulier. Des traditions comme celles de la maqĂąma La SĂ©ance, des biographies de Antar, du théùtre d’ombres ou des facĂ©ties et autres pitreries de JuhĂą, peuvent, selon lui, aider Ă  trouver une forme de théùtre authentiquement arabe. Certains auteurs dramatiques ont bien entendu cet appel. Le dramaturge marocain Tayyib al-SiddĂźqĂź nĂ© en 1938 a expĂ©rimentĂ© des formes théùtrales inĂ©dites. Sa piĂšce, les MaqĂąma de Badü‛ al-ZamĂąn al-HamadĂąnĂź, a pris la forme d’un théùtre nomade au vrai sens du terme ; il a en effet Ă©tĂ© jouĂ© dans une grande tente caĂŻdale et s’est dĂ©placĂ© de ville en ville dans le monde arabe. Son compatriote Abd el-KarĂźm Berrchid a fait de mĂȘme avec son théùtre qu’il appelle cĂ©rĂ©monial ». Pour lui, le théùtre est en effet une fĂȘte qui plonge ses racines dans les rites, dans les fĂȘtes populaires et dans toutes les pratiques qui font la mĂ©moire d’un peuple ou d’une nation. L’Arabe – qui n’avait jamais connu la scĂšne, au sens occidental du terme, et qui a connu par contre la halqa, le sĂąmir, le maddĂąh laudateur, le sultan al-talaba roi des Ă©tudiants34, etc. – ne peut pas apprĂ©cier Ă  sa juste valeur la forme théùtrale occidentale, qui est le reflet d’un patrimoine philosophique et d’une vision du monde bien spĂ©cifique. Y. Idriss va lui-mĂȘme essayer d’introduire la tradition Ă©gyptienne du sĂąmir causeur et conteur nocturne dans ses piĂšces. C’est une tradition dans laquelle les paysans fĂȘtent la fin d’une rude journĂ©e du travail ou celle de la rĂ©colte en interprĂ©tant des jeux de rĂŽle. AppliquĂ©e au théùtre, la tradition du sĂąmir favorise l’improvisation, la participation de tous et une implication du spectateur. Idriss, dans sa piĂšce al-FarĂąfĂźr dĂ©jĂ  citĂ©e, tente d’introduire la tradition du sĂąmir et surtout du farfĂ»r le Scapin Ă©gyptien, cet acteur particulier dont Idriss dit qu’il est bien le vĂ©ritable hĂ©ros Ă©gyptien un homme intelligent, un jongleur qui manie l’ironie et la dĂ©rision, capable de jouer tous les rĂŽles. Ce n’est pas un acteur au sens oĂč nous l’entendons, car il est aussi acteur dans sa vie de tous les jours. La piĂšce d’Idriss a Ă©tĂ© d’abord accueillie avec beaucoup de rĂ©serve avant d’ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un grand moment du théùtre arabe. Nous ne l’analyserons pas parce que son contenu est ici hors de propos, Ă©tant donnĂ© qu’il ne rĂ©investit aucun texte mĂ©diĂ©val arabe. Son intĂ©rĂȘt pour nous est de poser, par sa forme, la question de la rĂ©novation du contenu et de la technique scĂ©nique. Un des dramaturges qui va s’inscrire brillamment dans cette voie est le Syrien Saadallah Wannous qui, pendant longtemps, a dominĂ© le théùtre arabe d’avant-garde. Saadallah Wannous 1941-1997 35 Pour une Ă©tude exhaustive en français, voir la thĂšse encore inĂ©dite de Batoul Jalabi-Wellnitz, Les ... 36 Beyrouth, DĂąr al-ĂądĂąb, 1996. Ce texte est traduit de l’arabe Syrie par Rania Samara, Marie Elias ... 55Wannous a Ă©crit plusieurs piĂšces35 oĂč il puise dans le patrimoine littĂ©raire arabe mĂ©diĂ©val. Nous pouvons citer MughĂąmarĂąt ra’s al-mamlĂ»k GĂąbir Les Aventures de la tĂȘte de l’esclave Jabir, qui s’inspire d’un conte populaire arabe, et al-Malik huwa al-malik Le Roi est le roi, inspirĂ©e des Mille et une Nuits. Nous n’examinerons ici que sa piĂšce intitulĂ©e MunamnamĂąt tĂąrĂźkhiyya Miniatures historiques36. Il s’agit de son Ɠuvre théùtrale la plus aboutie. 37 E. Piscator 1993-1963, l’un des premiers Ă  avoir adoptĂ© le théùtre documentaire, pense que la fi ... 56À premiĂšre vue, cette piĂšce relĂšve doublement du théùtre documentaire. Elle repose sur un Ă©vĂ©nement authentique – les circonstances du siĂšge et du sac de Damas par les Mongols – et sur un texte du XIVe siĂšcle qui rapporte cet Ă©vĂ©nement, Ă©crit par un historien qui en fut le tĂ©moin oculaire. Relevant du théùtre documentaire, cette piĂšce doit, en principe, sinon refuser toute fiction, du moins la rĂ©duire Ă  la portion congrue37. 38 C’est une sorte d’histoire universelle qu’Ibn KhaldĂ»n considĂšre comme l’Ɠuvre majeure de son Ă©poqu ... 39 Nous pouvons lire les dĂ©tails de cette rencontre dans la traduction de A. Cheddadi, op. cit., p. 2 ... 57Quel est le document historique sur lequel s’appuie la piĂšce de S. Wannous ? C’est un passage du Livre des Exemples38 de l’historien maghrĂ©bin Ibn KhaldĂ»n 1332-1406. Ce livre est prĂ©cĂ©dĂ© d’une autobiographie et d’une introduction imposantes al-Muqaddima qui Ă©tudient la sociĂ©tĂ© humaine et ses lois. Wannous va s’intĂ©resser Ă  la vie de cet historien, Ă  ses voyages, aux fonctions qu’il a occupĂ©es, Ă  ses rencontres avec les grands du monde de l’époque et en particulier Ă  sa fameuse rencontre avec le conquĂ©rant Tamerlan TaymĂ»r, le Mogol pendant le siĂšge de Damas – rencontre qu’Ibn KhaldĂ»n rapporte lui-mĂȘme dans l’autobiographie qui ouvre Le Livre des Exemples. Nous ne pouvons pas citer ici ce texte in extenso39 ; nous pouvons par contre le rĂ©sumer en y puisant le maximum de citations 40 Sur cette thĂ©orie et son importance dans le systĂšme khaldĂ»nien, voir infra. Ibn KhaldĂ»n Ă©tait au service du Sultan au Caire, et, lorsque parvint en Égypte que Tamerlan s’était emparĂ© du BilĂąd ar-RĂ»m et qu’aprĂšs avoir dĂ©truit Sivas, il Ă©tait retournĂ© en Syrie, le sultan rĂ©unit ses troupes, ouvrit le bureau des soldes et donna Ă  l’armĂ©e l’ordre de dĂ©part pour la Syrie » le 5 octobre 1400. À Damas, l’armĂ©e du sultan Ă©gyptien et l’armĂ©e de Tamerlan se sont affrontĂ©es plusieurs fois sans parvenir Ă  une victoire. Mais on vint rapporter au sultan et aux plus grands de ses Ă©mirs que certains fauteurs de dĂ©sordre se prĂ©paraient Ă  s’enfuir en Égypte pour y fomenter une rĂ©volte. Ils dĂ©cidĂšrent de rentrer aussitĂŽt, craignant que ces rebelles entraĂźnassent le peuple derriĂšre eux, ce qui pouvait causer l’effondrement de l’État ». Ce dĂ©part a plongĂ© les DamascĂšnes dans le dĂ©sarroi le plus total. Les cadis et juristes vinrent me voir. Je tins avec eux une rĂ©union Ă  la medersa al-Adiliya, et ils se mirent d’accord pour demander Ă  l’émir Tamerlan la sĂ©curitĂ© pour leurs maisons et leurs femmes. Ils consultĂšrent le commandant de la citadelle, qui dĂ©sapprouva leur dĂ©cision. Mais ils passĂšrent outre
 » La rencontre fut brĂšve et l’aman accordĂ©. Tamerlan se montra conciliant et renvoya les membres de la dĂ©lĂ©gation qui Ă©taient allĂ©s nĂ©gocier la soumission avec une invitation pour les autres notables et cadis de la ville. Ibn KhaldĂ»n Ă©tait connu dans l’entourage de Tamerlan oĂč juges, savants et historiens trouvaient asile. C’est pendant la nuit d’une grande rĂ©volte, prĂšs de la mosquĂ©e omeyyade, qu’Ibn KhaldĂ»n pris la dĂ©cision d’aller trouver Tamerlan. Il faut dire ici que c’est bien la peur qui a poussĂ© Ibn KhaldĂ»n Ă  aller rencontrer Tamerlan impressionnĂ© par les destructions massives et l’état de dĂ©solation que laissait derriĂšre elle l’armĂ©e mongole lĂ  oĂč elle passait, et par les informations qui arrivaient d’Alep complĂštement pillĂ©e et incendiĂ©e, Ibn KhaldĂ»n prit les devants en quittant Damas en cachette. J’entrai dans sa tente. Je le trouvai Ă  demi allongĂ©, appuyĂ© sur son coude des plats lui Ă©taient prĂ©sentĂ©s, sur un signe qu’il faisait Ă  l’adresse des clans mongols assis en cercle devant sa tente. D’abord, je le saluai, et lui marquai par un signe de tĂȘte ma soumission. Il leva la tĂȘte, me tendit sa main Ă  baiser et me signifia de m’asseoir
 ». Ibn KhaldĂ»n a su user de tout son savoir et de toute sa diplomatie pour sauver sa vie. Il a mĂȘme acceptĂ© de composer pour Tamerlan une description gĂ©ographique du Maghreb, a utilisĂ© sa thĂ©orie de la ‛açabiyya40 pour glorifier, en flatteur, le conquĂ©rant et son rĂŽle historique. Avant de quitter Tamerlan pour retourner en Égypte, il n’a pas oubliĂ© d’offrir un cadeau Ă  l’émir Je choisis au marchĂ© des livres un trĂšs beau Coran en un volume avec une reliure aux fers, un joli tapis de priĂšre, une copie d’al-Burda, le cĂ©lĂšbre poĂšme Ă  la louange du ProphĂšte – que la priĂšre et le salut de Dieu soient sur lui – et quatre boĂźtes de trĂšs bonnes sucreries Ă©gyptiennes ». Il est arrivĂ© en Égypte en mars 1401. 41 Le titre mĂ©rite Ă  lui seul une Ă©tude Ă  part. Pourquoi Wannous a-t-il choisi ce titre, qui relĂšve d ... 58Nous avons repris les passages que Wannous reconduira dans sa piĂšce et qui en font la matiĂšre purement historique. Elle en reprend avec prĂ©cision les Ă©vĂ©nements, les personnages et le contexte gĂ©nĂ©ral. Nous pouvons maintenant suivre le contenu de la piĂšce. Elle est composĂ©e de trois munamnamĂąt miniatures41, elles-mĂȘmes divisĂ©es en plusieurs dĂ©tails ». 42 Peut-ĂȘtre Wannous cherche-t-il ici Ă  ne pas idĂ©aliser Ă  l’excĂšs ce religieux. Son sens du devoir, ... 43 Les Mutazilites Ă©taient au Moyen Âge un groupe thĂ©ologique rationaliste. Ils considĂ©raient en effe ... 59La premiĂšre miniature, consacrĂ©e au Cheikh BurhĂąn al-DĂźn al-TĂądilĂź, porte le titre suivant BurhĂąn al-DĂźn al-TĂądilĂź ou la dĂ©faite ». Le mot dĂ©faite » est Ă  comprendre positivement, surtout si l’on compare ce religieux aux autres gestionnaires du sacrĂ© qui ne pensent qu’à s’enrichir et Ă  sauver leur vie lorsque le danger guette la nation. Le cheikh al-TadilĂź a rĂ©sistĂ© et n’a rien Ă©pargnĂ© pour dĂ©fendre la ville de Damas, malgrĂ© la supĂ©rioritĂ© militaire Ă©crasante des Mongols et la dĂ©fection du sultan d’Égypte Farag ibn BarqĂ»q qui a laissĂ© derriĂšre lui ses sujets damascĂšnes seuls face Ă  l’ennemi. Sa dĂ©faite est une victoire puisque son nom passe Ă  la postĂ©ritĂ© en tant que symbole de rĂ©sistance. Cette premiĂšre miniature donne le cadre gĂ©nĂ©ral de toute la piĂšce. Damas est menacĂ©e par les Mongols et leur assaut prend un caractĂšre imminent depuis que Hama et Alep sont tombĂ©es entre leurs mains. On rapporte mĂȘme que les victimes y Ă©taient si nombreuses que les Mongols en ont Ă©rigĂ© un minaret. Le gouverneur de la ville, reprĂ©sentant du sultan, demande Ă  ce que la ville se rende, solution que les DamascĂšnes rejettent en bloc. Leur rĂ©action rĂ©jouit le cƓur d’al-TĂądilĂź qui organise la rĂ©sistance et demande Ă  l’émir de la citadelle de Damas, ‛Izz al-DĂźn ÂzadĂąr, d’affronter l’ennemi avec les moyens du bord en attendant l’arrivĂ©e du sultan et de son armĂ©e d’Égypte. Vient ensuite un Ă©pisode qui n’honore ni l’émir ni al-TĂądilĂź42, Ă  savoir la condamnation du cheikh mu‛tazilites43, JamĂąl al-DĂźn al-Charñ’ijĂź. On brĂ»le les livres de cet opposant » et on l’emprisonne au moment mĂȘme oĂč il exprime son dĂ©sir de faire son devoir de citoyen » et de participer Ă  la dĂ©fense de la ville. Le jour oĂč le sultan se prĂ©pare Ă  abandonner la ville pour repartir au Caire dĂ©fendre son trĂŽne menacĂ©, survient la premiĂšre confrontation entre al-TĂądilĂź et l’historien Ibn KhaldĂ»n Le chambellan, commence Ă  s’énerver et Ă  se mettre en colĂšre Le sultan, de par sa condition, se doit d’affermir son pouvoir. Enseigne-lui, Ibn KhaldĂ»n, pourquoi les sultans combattent et pourquoi ils font la KhaldĂ»n Votre Ă©loquence, MaĂźtre, vous permet de formuler les choses beaucoup mieux que mon expression en criant Tu appelles la trahison Ă©loquence, Ibn KhaldĂ»n !Ibn KhaldĂ»n Le sultan sait mieux que nous oĂč est le devoir et le bon Un sultan qui ne protĂšge pas son pays et ses sujets perd toute chambellan Tu oses parler de la lĂ©gitimitĂ© du sultan ? p. 60 60À la fin de cette miniature, le cheikh al-TĂądilĂź trouve la mort en combattant l’ennemi, mais la rĂ©sistance continue. Le rapport de forces dĂ©favorable aux DamascĂšnes, la trahison du sultan et les complots ourdis par les religieux et les commerçants ne laissent subsister aucune illusion sur l’issue de la bataille. 61La deuxiĂšme miniature est intitulĂ©e Waliyy al-DĂźn Abd al-RahmĂąn Ibn KhaldĂ»n » ou l’épreuve de la science ». AprĂšs la mort d’al-TĂądilĂź, les ulĂ©mas menĂ©s par Ibn Muflih, alliĂ©s aux commerçants reprĂ©sentĂ©s par DulĂąma, se mettent tranquillement Ă  semer le doute dans les cƓurs et dans les rangs des rĂ©sistants. Comme ils ne peuvent pas appeler franchement les DamascĂšnes Ă  se rendre et Ă  signer un traitĂ© de paix avec Tamerlan, ils vont jeter le trouble dans l’opinion, en dĂ©clarant ici et lĂ  qu’ils ne savent pas quel chemin prendre, qu’ils ne peuvent que s’avouer perplexes et que Dieu seul sait oĂč est la vĂ©ritĂ© Ibn Muflih, affichant une attitude humble Seigneur, comment connaĂźtre le bon sens ? !Ibn al-NĂąbulsĂź Exact. C’est la question
 Comment le mettre Ă  l’épreuve ?Ibn Muflih Toute la nuit j’ai mĂ©ditĂ© cette affaire et je n’en ai rien tirĂ© de certain. Il m’est venu Ă  l’esprit de sortir et de dire aux gens que je n’ai que ma perplexitĂ© Ă  leur offrir et que par les temps qui courent, je ne sais comment saisir la vĂ©ritĂ© ! p. 68 44 Voir son introduction au Livre des Exemples, p. XXIX. 62Le grand savant et historien Ibn KhaldĂ»n va leur emboĂźter le pas, non pas en se dĂ©clarant perplexe, mais en mettant sa science au service du choix qu’il dĂ©fend se rendre pour Ă©pargner leurs biens et leur prestige. Nous savons que cet historien a dĂ©veloppĂ© l’idĂ©e selon laquelle toute force politique ou militaire naĂźt, monte Ă  l’assaut du pouvoir et se stabilise grĂące Ă  la ‛açabiyya, notion que l’on peut traduire par esprit de corps » ou tout simplement par solidaritĂ© », comme le suggĂšre A. Cheddadi44. La ‛açabiyya est beaucoup plus forte en milieu rural qu’en milieu urbain. Lorsque la volontĂ© manque pour dĂ©fendre l’idĂ©al fixĂ© par la ‛açabiyya, lorsque celle-ci se dilue dans le mode de consommation urbain ou dans le luxe, le pouvoir s’effondre et est alors remplacĂ© par un autre, qui arrive du milieu rural et dont la ‛açabiyya est plus dĂ©veloppĂ©e, et ainsi de suite ad infinitum. C’est le concept central de la ‛açabiyya qui fonde chez Ibn KhaldĂ»n une conception cyclique du pouvoir al-mulk. C’est prĂ©cisĂ©ment cette idĂ©e de la ‛açabiyya, ainsi que l’appareillage conceptuel qui l’accompagne, que Ibn KhaldĂ»n lĂšguera Ă  la postĂ©ritĂ©. 63Lorsque son disciple Charaf al-DĂźn demande Ă  son maĂźtre d’user de son prestige de savant respectĂ© pour encourager les gens Ă  combattre l’ennemi mongol et Ă  honorer l’esprit d’al-TĂądilĂź, celui-ci lui rĂ©pond Ibn Khaldoun Sur quelle ‛açabiyya s’appuyait al-TĂądilĂź lorsqu’il prĂ©tendait appeler les gens Ă  combattre ?Charaf al-DĂźn Sur la ‛açabiyya des gens du ChĂąm et leur enthousiasme pour le combat. Pendant les obsĂšques, j’en ai parlĂ© Ă  plusieurs et j’ai pu moi-mĂȘme percevoir leur volontĂ© de rĂ©sister et de KhaldĂ»n, d’un ton las Ce n’est pas une ‛açabiyya, Charaf al-DĂźn. La volubilitĂ© des jeunes et le dĂ©chaĂźnement de la populace n’ont rien Ă  voir avec la açabiyya. Les gens ici sont rongĂ©s par le luxe de la civilisation urbaine et leur ‛açabiyya est complĂštement dĂ©truite. p. 77 64Petit Ă  petit, l’autre Ibn KhaldĂ»n, celui qui n’est intĂ©ressĂ© que par la science et l’enregistrement de l’évĂ©nement brut, qui ne voit dans la rĂ©volte des DamascĂšnes que de l’agitation et qui n’hĂ©sitera pas Ă  rencontrer Tamerlan pour lui demander l’aman, s’impose Ă  nous et renvoie aux oubliettes l’Ibn KhadĂ»n de la Muqaddima. 65Le sixiĂšme dĂ©tail de la deuxiĂšme miniature – un dialogue entre Ibn KhaldĂ»n et son disciple – est central dans cette piĂšce. Il est consacrĂ© dans sa totalitĂ© Ă  dĂ©finir ce qu’est un savant, quel rĂŽle il doit avoir dans une sociĂ©tĂ© donnĂ©e et quelle position doit ĂȘtre la sienne lorsque sa nation subit une agression telle que celle menĂ©e par les Mongols. Au moment oĂč Ibn KhaldĂ»n prĂ©pare les cadeaux qu’il doit offrir Ă  Tamerlan, son disciple Charaf al-DĂźn l’interpelle Mon maĂźtre ne peut-il pas changer d’avis ? » 66Ibn KhaldĂ»n ne veut mĂȘme pas en entendre parler. Il prĂ©fĂšre laisser la colĂšre, la rĂ©volte et le regret aux gens du peuple et aux fous. Pour lui, la perspective de rencontrer Tamerlan, un grand roi ainsi qu’il le dit, l’aveugle complĂštement. Le disciple revient Ă  la charge, car cela l’attriste Ă©normĂ©ment de voir son maĂźtre, respectĂ© dans tout le territoire arabe, se vautrer dans la trahison 45 C’est ainsi que nous traduisons ‛ilm al-‛UmrĂąn. Le ‛umrĂąn est une autre notion clef d’Ibn KhaldĂ»n, ... Charaf al-DĂźn Quelle est la mission du savant alors ?Ibn KhaldĂ»n Le rĂŽle du savant est d’analyser la rĂ©alitĂ© telle qu’elle est, de suivre le cours des Ă©vĂ©nements et leurs causes al-DĂźn Les savants rĂȘvaient toujours d’un monde meilleur et n’avaient de cesse de chercher les moyens de remĂ©dier aux problĂšmes de leur temps. Ils mettaient Ă  la disposition des gens leurs maniĂšres de concevoir des citĂ©s vertueuses dignes de l’homme et de la sociĂ©tĂ© humaine. Al-FĂąrĂąbĂź n’a-t-il pas composĂ© Les Opinions des habitants de la citĂ© vertueuse ? Le MaĂźtre Aristote n’a-t-il pas Ă©crit deux livres l’un sur l’éthique et l’autre sur la politique ? Je peux en citer d’ KhaldĂ»n Ceux-lĂ  ne connaissaient pas la science de la sociĂ©tĂ© humaine45. Ils n’ont pas examinĂ© les accidents objectifs et les changements nĂ©cessaires qui surviennent. Ceux-lĂ  n’ont pas compris qu’à chaque Ă©vĂ©nement, qu’il soit une essence ou un acte, correspond une nature qui lui est rĂ©servĂ©e en propre, ainsi qu’aux Ă©tats qui se produisent. La sociĂ©tĂ© humaine a des rĂšgles constantes et rĂ©guliĂšres semblables Ă  celles qui rĂ©gissent la succession des saisons et l’enchaĂźnement du jour et de la nuit. C’est cette ignorance qui les a induits Ă  penser que la nature des Ă©tats peut ĂȘtre transformĂ©e par des vƓux pieux. p. 87 67La deuxiĂšme miniature finit sur la sĂ©paration du maĂźtre et du disciple qui accepte d’écrire, sous la dictĂ©e du maĂźtre, les dĂ©tails de la visite qu’il a rendue Ă  Tamerlan. Mais lorsqu’Ibn KhaldĂ»n essaie de lui dicter une Description du Maghreb, que Tamerlan lui a demandĂ©e, Charaf al-DĂźn refuse catĂ©goriquement et dĂ©cide de rejoindre la rĂ©sistance. 68La troisiĂšme miniature est intitulĂ©e ÂzadĂąr l’émir de la citadelle ou le massacre ». Les religieux, les commerçants et les notables de Damas rĂ©ussissent Ă  semer la zizanie et Ă  disperser la rĂ©sistance en ville. Mais la citadelle continue de combattre. Tamerlan envoie ces notables discuter avec l’émir ÂzadĂąr et le convaincre de dĂ©poser les armes, mais les combattants les dĂ©pouillent de leurs vĂȘtements, et ils reviennent nus et humiliĂ©s vers Tamerlan. C’est lĂ  que le conquĂ©rant mongol oblige les notables de Damas et les habitants qui ont Ă©chappĂ© jusque-lĂ  Ă  la mort Ă  creuser des tunnels sous les remparts de la citadelle. La citadelle est ainsi prise et les envahisseurs se vengent de tout le monde, y compris de ceux qui sont censĂ©s ĂȘtre leurs alliĂ©s, Ă  savoir les religieux, les commerçants et les notables. Le dernier dĂ©tail revient sur JamĂąl al-DĂźn al-Charñ’ijĂź, le mu’tazilite qui vivait ses derniĂšres heures crucifiĂ© sur la place publique. Ni les religieux dĂ©voyĂ©s, ni al-TadilĂź, ni l’émir ÂzadĂąr, ni Tamerlan ne l’ont Ă©pargnĂ© Je me demande, dit-il, comment ils ont pu se mettre d’accord sur mon cas malgrĂ© la guerre qui les oppose et tout le sang versĂ©. » 46 Wannous ne donne pas de numĂ©ro Ă  ce dĂ©tail, il le nomme dernier dĂ©tail ». 69Chacune de ces trois miniatures est divisĂ©e en plusieurs dĂ©tails tafsĂźl. Wannous introduit les dĂ©tails I 1, 4, 5, 6, 8, 10, 11, 12, 13, II 2, 4, 5, 8 et III 4, 5, 6, 8, 10, 11, 12, 1346 par des textes d’un historien ancien ». Ces textes, que notre dramaturge a Ă©crits en imitant le style des historiens arabes mĂ©diĂ©vaux, peuvent aussi bien ĂȘtre lus sĂ©parĂ©ment, comme un Ă©clairage fondamental pour la piĂšce. Le texte I. 1 peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une introduction Ă  toute la piĂšce, car il anticipe les Ă©vĂ©nements qui vont se dĂ©rouler tout au long du rĂ©cit. La scĂšne qu’il dĂ©crit le sac d’Alep par Tamerlan est une miniature de l’action principale, en l’occurrence le sac de Damas. C’est une mise en abyme, mais qui ne s’arrĂȘte pas Ă  ce niveau les textes attribuĂ©s Ă  cet historien ancien », pris dans leur ensemble, constituent un théùtre dans le théùtre qui est la forme la plus connue de mise en abyme. À chaque fois que Wannous les enchĂąsse dans sa piĂšce, ils miment, en l’encadrant, le thĂšme théùtral qu’ils introduisent. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas les prendre pour des voix off, comme leur rĂ©partition dans la piĂšce pourrait induire Ă  penser. S’ils constituent un théùtre dans le théùtre, c’est qu’ils relĂšvent bel et bien d’un personnage de la piĂšce Ă©crite ou d’un acteur de la reprĂ©sentation. 70Bien plus, les textes de cet historien ancien », Ă©crits dans une langue arabe mĂ©diĂ©vale proche de l’épure, participent grandement Ă  la constitution du sens de la piĂšce par ce qu’ils ne disent pas. En effet, tout en dĂ©roulant les circonstances et les consĂ©quences de l’histoire principale le sac d’Alep puis de Damas, ces textes laissent supposer en creux une histoire seconde, incomplĂšte, voire un peu dĂ©calĂ©e par rapport aux dĂ©tails » et aux dialogues. Ainsi, au moment oĂč Tamerlan continue de camper Ă  quelques pas de la ville de Damas, guettant l’occasion de la plonger dans la terreur, notre historien ancien » Ă©crit Le 23 du mĂȘme mois, la dĂ©lĂ©gation a quittĂ© [la ville] Ă  la rencontre de Tamerlan. Il y avait dans cette dĂ©lĂ©gation Ibn Muflih al-NĂąbulsĂź, Ibn al-’Izz, Mohammad ibn AbĂź al-Tayyib, DulĂąma le commerçant. Ils portaient avec eux des tissus, de la fourrure, de la viande grillĂ©e, de la confiserie et tout ce qui peut s’offrir en cadeau
 Ils ont dit que les prĂ©sents avaient plu Ă  Tamerlan et qu’il leur avait remis l’écrit de l’aman pour les habitants de Damas dont on peut lire Que les notables, les chefs, les commerçants et les gens du peuple sachent qu’ils ont la sĂ©curitĂ© pour eux, leurs biens et leurs femmes ». Ils ont alors dĂ©cidĂ© de lever les impĂŽts Ă  Damas de l’ordre d’un million de dinars et de lui ramener tous les biens et les bĂȘtes de somme que le sultan avait laissĂ©s derriĂšre lui. La dĂ©lĂ©gation ne tarissait pas d’éloge sur Tamerlan, ses mĂ©rites et sa vertu. p. 96 71La description de cette entente Ă  quel prix ? entre l’envahisseur et les reprĂ©sentants » de la population damascĂšne, crĂ©e un malaise chez le lecteur. On sent qu’elle est provisoire et que Tamerlan ne l’accorde aux reprĂ©sentants » de la ville que pour les humilier encore plus. Le texte ne dit rien de cette humiliation, mais on la sent affleurer dans le texte. Le dĂ©tail 8 qui vient directement aprĂšs ce texte la confirme, quoique subrepticement l’entente entre Tamerlan et les reprĂ©sen-tants » est battue en brĂšche par la mĂ©sentente entre Ibn KhaldĂ»n favorable Ă  l’initiative de la dĂ©lĂ©gation et son disciple Charaf al-DĂźn favorable, comme la plupart de la jeunesse damascĂšne, Ă  la rĂ©sistance. La mĂ©sentente ne scelle pas seulement la rupture entre le maĂźtre et son disciple, mais surtout la rupture entre deux camps, celui de la collaboration et celui de la rĂ©sistance. 72Mais qui est finalement ce personnage qui dit ces textes et que Wannous appelle historien ancien » ? Il faut remarquer qu’il intervient Ă  chaque fois seul et qu’à aucun moment il ne participe aux dialogues. Son rĂŽle est de relier les dĂ©tails des miniatures entre eux et de permettre au lecteur ou au spectateur de ne pas perdre le dĂ©roulement de la piĂšce ou, pour filer la mĂ©taphore picturale, de reconstituer Ă  son aise les miniatures Ă  partir des dĂ©tails
 C’est le hakawĂątĂź, ce conteur oriental spĂ©cialiste des histoires des peuples anciens et des hĂ©ros passĂ©s et prĂ©sents. L’historien de Wannous est bien un hakawĂątĂź, mais revu et corrigĂ© par notre dramaturge. En tant qu’il rapporte les Ă©vĂ©nements qui se dĂ©roulent – ou se sont dĂ©roulĂ©s – devant lui et en tant qu’il essaie de trouver les lois qui les rĂ©gissent, il est un historien Ă  l’image d’Ibn KhaldĂ»n. Mais en tant qu’il rapporte des dĂ©tails – relevant parfois de l’étrange ou du merveilleux, du comique ou de l’anecdotique –, il est bien un hakawĂątĂź qui permet Ă  Wannous de crĂ©er un espace familier au spectateur, de l’attirer et de le sĂ©duire avant de l’impliquer dans la reprĂ©sentation. Voici un exemple oĂč l’historien se fait hakawĂątĂź Pendant cette pĂ©riode [qui a suivi la rencontre avec Tamerlan], les femmes ont Ă©tĂ© touchĂ©es par le dĂ©mon du hennĂ©. Chaque femme ou fille voulait se teindre au hennĂ©, Ă  tel point qu’il n’y en avait plus sur le marchĂ© et que l’on se disputait devant les boutiques pour en avoir. Lorsque j’en ai demandĂ© la raison, j’ai appris que ‛Âtika al-Bù‛ûniyya avait rĂȘvĂ© que le roi des djinns s’était prĂ©sentĂ© devant elle
 Il Ă©tait plus grand que le minaret de la mosquĂ©e et lui avait dit N’aie pas peur de moi ! Si tu ne fais pas ce que je te demande, tu y auras des raisons d’avoir peur. Dis aux filles et aux femmes de Damas de se teindre au hennĂ© sinon elles subiront ce qu’ont subi les femmes d’Alep de la part de l’armĂ©e de Tamerlan. » AprĂšs quoi, il a touchĂ© sa poitrine et s’est Ă©vanoui tel un nuage
 p. 96 73Des histoires de ce genre permettent aux spectateurs de ne pas ĂȘtre dĂ©paysĂ©s et de retrouver des repĂšres qui re-théùtralisent » la scĂšne, conformĂ©ment aux traditions du spectacle avec lesquelles ils sont familiarisĂ©s. Faire intervenir l’art du hakawĂątĂź permet Ă  Wannous d’instaurer doucement mais sĂ»rement un théùtre arabe, en rĂ©investissant avec brio non seulement un contenu – le patrimoine littĂ©raire mĂ©diĂ©val –, mais aussi une forme orientale ancienne – la technique du conteur. Sur scĂšne, cette technique permettra de casser le quatriĂšme mur et d’obtenir la participation du public. Le hakawĂątĂź officie normalement dans un cercle, entourĂ© de gens qui l’écoutent dans un cafĂ©, une grande maison privĂ©e, les rues, etc. Il est libre de ses mouvements, et le petit espace d’une scĂšne Ă  l’italienne, surĂ©levĂ©e de surcroĂźt par rapport Ă  la salle, ne peut le contenir. Ce hakawĂątĂź peut alors circuler librement et faire le va-et-vient entre la scĂšne et la salle. 74Une autre technique oĂč Wannous excelle dans cette piĂšce est la distanciation. Il la trouve d’abord chez Brecht, bien sĂ»r, mais n’hĂ©site pas Ă  la retoucher. Pour Brecht 47 Petit organon pour le théùtre, traduit par Jean Tailleur, Paris, L’Arche, 1978, p. 57. Une reproduction qui distancie est une reproduction qui, certes, fait reconnaĂźtre l’objet, mais qui le fait en mĂȘme temps paraĂźtre 75Cette distanciation peut s’appliquer Ă  l’histoire qu’on raconte ou qu’on met en scĂšne, au dĂ©cor, Ă  la gestualitĂ©, Ă  la diction, etc. Wannous laisse entendre qu’il l’applique surtout au jeu. L’acteur n’incarne pas que son personnage, mais se fait aussi le critique de ce personnage. Il peut sortir de son rĂŽle et le tenir Ă  distance. Ainsi, lorsque Charaf al-DĂźn se prĂ©pare Ă  quitter dĂ©finitivement son maĂźtre Ibn KhaldĂ»n et que celui-ci cherche Ă  l’en empĂȘcher Charaf al-DĂźn Je me dĂ©brouillerai. Tenant son rĂŽle Ă  distance. Que dira de toi l’histoire, MaĂźtre ?Ibn KhaldĂ»n, tenant son rĂŽle Ă  distance L’histoire ne retiendra que la science que j’ai dĂ©couverte et le livre que j’ai composĂ©. Quant aux Ă©vĂšnements et aux positions Ă©phĂ©mĂšres, cela n’intĂ©resse person-ne, sauf les mauvais esprits comme toi ou comme l’auteur de cette histoire. p. 101 48 Patrice Pavis, Dictionnaire du théùtre, Paris, Armand Colin, 2004, voir sous Distanciation », p. ... 49 Ibid., p. 99. 76La distanciation atteint ici son plus haut degrĂ©, Ă  tel point que mĂȘme Wannous s’invite dans le dialogue. On voit bien que l’auteur essaie de mettre ici en place une technique dĂ©sillusionnante »48 propre Ă  sortir le spectateur de la rĂ©alitĂ© scĂ©nique. Il l’empĂȘche de sombrer dans l’illusion de la scĂšne, de s’identifier au personnage. Il fait en sorte que son attention se porte sur la fabrication de l’illusion, sur la façon dont les comĂ©diens construisent leurs personnages »49. C’est ainsi que Wannous n’hĂ©site pas Ă  dĂ©doubler », chaque fois que cela est nĂ©cessaire, ses personnages. L’acteur doit jouer son rĂŽle, tout en pensant Ă  le tenir Ă  distance. Wannous trouve chez Brecht une technique qui, finalement, peut trĂšs bien trouver sa place dans la tradition du spectacle arabe. Le hakawĂątĂź, le maddĂąh, l’homme de la halqa et mĂȘme Shahrazade dans Les Milles et une Nuits ne s’identifient pas Ă  leur histoire ou au rĂŽle qu’ils jouent ; de temps en temps, ils arrĂȘtent le dĂ©roulement de leur spectacle ou de leur conte pour rappeler au public qui les Ă©coute que la rĂ©alitĂ© qu’ils vivent n’est pas la rĂ©alitĂ© qu’ils entendent, que la rĂ©alitĂ© qu’ils entendent peut corriger la rĂ©alitĂ© qu’ils vivent et que la vie est un conte, mais pas seulement. Bien plus, le drame qui se joue dans ce qu’on joue ou entend est en rĂ©alitĂ© beaucoup moins grave que les drames qu’on vit. 50 Les dĂ©tails, les anecdotes et le texte de l’ancien historien » ne remettent en aucun cas en caus ... 77Reste Ă  dire un mot sur la maniĂšre dont Wannous conçoit le turĂąth ou le patrimoine littĂ©raire mĂ©diĂ©val. Avec la figure d’Ibn KhaldĂ»n, on comprend qu’il est loin d’idĂ©aliser ce patrimoine. Ibn KhaldĂ»n Ă©voque de façon mĂ©tonymique l’intellectuel. Tout se passe comme si Wannous prĂ©sentait deux Ibn KhaldĂ»n, ou comme si celui-ci superposait deux reprĂ©sentations d’un cĂŽtĂ©, un Ibn KhaldĂ»n renvoyant au rĂ©fĂ©rent historique du XIVe siĂšcle qui a Ă©crit La Muqaddima et a rencontrĂ© Tamerlan ; de l’autre, un Ibn KhaldĂ»n renvoyant Ă  un rĂ©fĂ©rent historique du XXe siĂšcle. Comment un Ibn KhaldĂ»n nous parlerait-il aujourd’hui et comment pourrions-nous lui rĂ©pondre ? Tout se passe comme si
 Mais la technique de Wannous est plus subtile encore. AprĂšs la lecture de la piĂšce, nous sommes placĂ©s devant un seul Ibn KhaldĂ»n. Le dramaturge avalise l’idĂ©e selon laquelle il y a eu un historien cĂ©lĂšbre et respectĂ© nommĂ© Ibn KhaldĂ»n, dont l’Ɠuvre imposante est passĂ©e Ă  la postĂ©ritĂ©. Mais en mĂȘme temps, il le somme de rĂ©vĂ©ler d’autres facettes de sa personnalitĂ©. GrĂące Ă  l’excellent montage que fait Wannous du texte d’Ibn KhaldĂ»n, grĂące aux dĂ©tails minutieux qu’il donne de sa rencontre avec Tamerlan en pleine prĂ©paration du massacre des habitants de Damas, le lecteur puis le spectateur prend petit Ă  petit ses distances avec le cĂ©lĂšbre historien. Il faut dire que, si Wannous met le texte d’Ibn KhaldĂ»n Ă  l’épreuve de la forme dramatique, il n’intervient pas sur la matiĂšre historique qui, elle, reste fidĂšle au texte original50. Et c’est cette forme dramatique qui finit par donner Ă  l’auteur de La Muqaddima sa plĂ©nitude historique. De sorte que nous ne sommes plus devant deux Ibn KhaldĂ»n entre lesquels on hĂ©siterait Ă  choisir
 Nous ne sommes plus en face que d’un seul Ibn KhaldĂ»n, le grand historien et l’intellectuel qui a trahi les siens en rencontrant Tamerlan. La piĂšce de Wannous ne choisit pas. 78La maniĂšre dont la figure d’Ibn KhaldĂ»n est traitĂ©e dans cette piĂšce montre Ă  quel point Wannous veut en finir avec une image idĂ©alisĂ©e du turĂąth. Il est vrai que ce patrimoine est historiquement et culturellement riche, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut le fĂ©tichiser. Pour maĂźtriser le turĂąth et pour pouvoir le mettre Ă  distance, il faut aussi le lire comme un monde de possibles, et non pas comme un prĂ©sent Ă©ternel. Le lire comme un monde de possibles, c’est pouvoir poser les questions qui le dĂ©verrouillent Qui Ă©tait cet Ibn KhaldĂ»n, en vĂ©ritĂ© ? Était-il obligĂ© de rencontrer Tamerlan ? Que se serait-il passĂ© si Ibn KhaldĂ»n n’avait pas rencontrĂ© Tamerlan ? 79Chaque moment de l’histoire mĂ©diĂ©vale peut ĂȘtre reconstruit en le mettant Ă  l’épreuve de la forme dramatique. Chaque Ă©lĂ©ment du turĂąth peut ĂȘtre revu afin qu’il rĂ©vĂšle d’autres possibles qu’on ne cesse de taire pour des raisons idĂ©ologiques Ă©videntes. Palimpseste, texte Ă  trous, puzzle Ă  construire, tel est le texte mĂ©diĂ©val oĂč s’inscrit le théùtre de Wannous. Quelles qu’en soit la force ou la pertinence, il demeure toujours pour ce dernier un document forclos qu’il convient de sonder, afin d’en reconduire la vĂ©ritĂ© cachĂ©e. 80Peut-on dire, finalement, que le théùtre arabe a trouvĂ© ses textes grĂące Ă  ce retour vers le passĂ© mĂ©diĂ©val et Ă  l’adoption d’une forme théùtrale qui s’inspire de sa tradition ? Rien n’est moins sĂ»r. D’abord parce que, contrairement Ă  ce qu’on peut imaginer, cette technique de rĂ©appropriation du passĂ© dans le théùtre est extrĂȘmement ardue. Une figure comme Wannous est une exception. Pour rĂ©ussir une telle entreprise, il faut maĂźtriser les textes du passĂ© et leur contexte, mais surtout la maniĂšre de les enchĂąsser dans une forme dramatique, sinon il ne s’agirait que d’un placage sans intĂ©rĂȘt esthĂ©tique. Depuis l’appel lancĂ© par Idriss pour un théùtre authentiquement arabe, la plupart des dramaturges se sont prĂ©cipitĂ©s vers les textes mĂ©diĂ©vaux, ce qui a créé une sorte de saturation. Si certains de ces textes sont d’un grand intĂ©rĂȘt intellectuel et esthĂ©tique, ils ne peuvent pas tous parler Ă  un homme arabe du prĂ©sent qui a des problĂšmes bien plus graves que celui de l’identitĂ©. 51 Il est arrivĂ© Ă  ce poĂšte de lire ses poĂšmes devant 12 000 personnes dans un stade de football en S ... 81Par ailleurs, le théùtre arabe est loin d’ĂȘtre sorti de cette Ă©trangetĂ© qui l’accompagne depuis son importation au milieu du XIXe siĂšcle. Les théùtres arabes se vident, voire se ferment de plus en plus, et cette Ă©trangetĂ© n’en est que plus Ă©vidente lorsqu’on compare le public de cet art avec le public de certaines soirĂ©es poĂ©tiques. Mobiliser des centaines de personnes dans une ville arabe51, c’est ce que fait un poĂšte comme M. Darwich, et c’est ce qu’on n’oserait imaginer pour le théùtre arabe, mĂȘme dans les rĂȘves les plus fous. Haut de page Notes 1 Nous transcrivons de maniĂšre simple les noms et les mots arabes que l’on ne trouve pas dans les dictionnaires français des noms propres. À signaler que toutes les traductions sont les nĂŽtres, sauf mention contraire. 2 Livre d’un grand intĂ©rĂȘt historique et littĂ©raire. Le dayr n’était pas seulement un lieu de piĂ©tĂ© pour les ChrĂ©tiens du Moyen-Orient mĂ©diĂ©val, mais aussi et surtout une taverne pour les Musulmans qui le frĂ©quentaient. Tout en Ă©tant une maison religieuse, il se transformait de temps en temps en un lieu de divertissement et de dĂ©bauche pour certains poĂštes de l’époque, voire pour des hommes politiques haut placĂ©s. Ce lieu a produit un genre littĂ©raire bien particulier appelĂ© dayriyyĂąt qui demeure complĂštement ignorĂ© par la littĂ©rature arabe moderne. Il a fait florĂšs entre les IXe et Xe siĂšcles et relatait les aventures, les anecdotes et les excentricitĂ©s des occupants qui le frĂ©quentaient. Voir Ă  ce propos Dominique Sourdel, Dayr », dans EncyclopĂ©die de l’Islam, II, Leyde, Brill, p. 200-202. 3 Al-ChĂąbuchtĂź, al-DiyĂąrĂąt Les Couvents, Beyrouth, DĂąr al-rñ’id al-̀arabĂź, 1986, p. 187-188. 4 La description que fait Pierre Loti du spectacle des karagöz en 1879, tel qu’il l’a vu en Turquie, est d’un grand intĂ©rĂȘt historique. Elle peut ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©e, Ă  quelques exceptions prĂšs, Ă  tout le monde arabe Karagueuz offre beaucoup d’analogies de caractĂšre avec le vieux polichinelle français ; aprĂšs avoir battu tout le monde, y compris sa femme, il est battu lui-mĂȘme par ChĂ©ytan – le diable – qui finalement l’emporte, Ă  la grande joie des spectateurs. Karagueuz est en carton ou en bois ; il se prĂ©sente au public sous forme de marionnette ou d’ombre chinoise ; dans les deux cas, il est Ă©galement drĂŽle. Il trouve des intonations et des postures que Guignol n’avait pas soupçonnĂ©es ; les caresses qu’il prodigue Ă  madame Karagueuz sont d’un comique irrĂ©sistible. Il arrive Ă  Karagueuz d’interpeller les spectateurs et d’avoir des dĂ©mĂȘlĂ©s avec le public. Il lui arrive aussi de se permettre des facĂ©ties tout Ă  fait incongrues, et de faire devant tout le monde des choses qui scandaliseraient mĂȘme un capucin. En Turquie, cela passe ; la censure n’y trouve rien Ă  dire, et on voit chaque soir les bons Turcs s’en aller, la lanterne Ă  la main, conduire Ă  Karagueuz des troupes de petits enfants. On offre Ă  ces salles pleines de bĂ©bĂ©s un spectacle qui, en Angleterre, ferait rougir un corps de garde. » AziyadĂ©, Paris, GF-Flammarion, 1989, p. 82-83. 5 Un quartier de Bagdad. 6 al-BayĂąn wa al-tabyĂźn, AbdessalĂąm HĂąrĂ»n Ă©d., Beyrouth, DĂąr al-jĂźl, t. I, p. 69-70. 7 On ne peut pas toutes les Ă©numĂ©rer ici. Chaque pays arabe peut parler de sa propre théùtralitĂ©. On trouve par exemple au Maroc le spectacle de la áž„alqa le cercle. L’homme de la áž„alqa est le continuateur de ces comĂ©diens » dĂ©peints par Jahiz, qui peuvent ĂȘtre Ă  la fois humoristes-imitateurs, conteurs, musiciens, voire jongleurs. Il officie au milieu d’un cercle humain sur les places publiques ou dans les mĆ«sem fĂȘtes consacrĂ©es au saint d’une ville, d’une confrĂ©rie ou d’une tribu. Avec un peu de chance, on peut encore les trouver sur la place de Jāmi‛- l-fnā Ă  Marrakech, ainsi que dans d’autres petites villes. C’est un phĂ©nomĂšne qui est malheureusement en train de disparaĂźtre. On peut aussi Ă©voquer l’art de la SĂźra en Égypte. Il s’agit tout particuliĂšrement de la SĂźra des BanĆ« Hilāl la geste des Hilaliens c’est l’art de raconter l’épopĂ©e tragique d’une tribu arabe les Hilāl, contrainte par la faim de quitter la pĂ©ninsule arabique et d’entamer une longue et triste pĂ©rĂ©grination vers l’ouest vers la Tunisie en particulier. En Égypte, pendant les soirĂ©es du Ramadan, un poĂšte chanteur Ă©pique prenait place dans un cafĂ© populaire, entourĂ© de deux ou trois musiciens, et commençait Ă  dĂ©clamer la geste devant un public fascinĂ© par des intrigues Ă  la fois toujours identiques et toujours diffĂ©rentes le poĂšte, qui sait parfaitement maĂźtriser aussi bien les rouages de la geste que l’émotion de ses auditeurs, doit rester fidĂšle aux Ă©vĂ©nements, mais aussi innover dans l’expression. Le phĂ©nomĂšne a presque disparu. Il subsiste ici et lĂ  quelques poĂštes qui exercent cet art et n’officient plus dans leur milieu naturel de jadis, mais dans des théùtres musicaux ou sur les ondes. Un de ces grands poĂštes Ă©piques MaĂźtre Sayed al-Dowwi est maintenant enregistrĂ© sur CD en deux volumes, Ă©ditĂ©s par l’Institut du Monde Arabe et la CitĂ© de la Musique. La seule forme de théùtralitĂ© qui aurait pu aboutir Ă  un théùtre proprement dit est la ta‛ziya des Chi’ites. C’est une reconstitution du martyre d’al-Husayn ibn Ali, petit-fils du prophĂšte. Contrairement Ă  ce qu’affirment Heidi Toelle et Katia Zakaria dans leur livre Ă  la dĂ©couverte de la littĂ©rature arabe Paris, Flammarion, 2003, p. 206, cette forme n’est pas restĂ©e confinĂ©e au domaine du religieux et du sacrĂ©. Certes, les Chi’ites pleureront al-Husayn tant qu’il sera Ă  leurs yeux leur intercesseur le jour du Jugement Dernier, mais ils le pleureront aussi, dans un spectacle théùtral tragique, pour crier leur colĂšre contre un despote ou contre une catastrophe. 8 Dans L’Aleph, Paris, Gallimard, L’Imaginaire, 1967, p. 117-130. 9 On peut cependant ouvrir des pistes de discussion. N’oublions pas que le théùtre grec est liĂ© Ă  Dionysos, dieu du vin. La procession en honneur Ă  ce dieu venait lui offrir un sacrifice animal sur un autel rond en pierre, la tymĂšlĂ©. Au Moyen Âge europĂ©en, le théùtre va s’enraciner dans le christianisme et l’Église fera des drames liturgiques la premiĂšre manifestation du théùtre moderne, car ce sont eux qui Ă©volueront vers des formes plus Ă©laborĂ©es, Ă  savoir les miracles et les mystĂšres, avant de donner lieu Ă  un théùtre profane. Heidi Toelle et Katia Zakaria Ă©crivent que, si le théùtre Ă©tait ignorĂ© en terre d’islam, c’est parce qu’ il n’existe pas de liturgie proprement dite en islam, les rituels ne font intervenir aucun acteur, Ă  l’exception du croyant, et, contrairement au Christ, Allah ne s’est pas incarnĂ© » op. cit., p. 206. 10 Il est certain qu’un mouvement tel que la Nahda arabe est le rĂ©sultat d’un processus beaucoup plus complexe, et dĂ©passe largement ces deux figures emblĂ©matiques. Aux rĂ©formes initiĂ©es par ces deux hommes, on peut ajouter les facteurs suivants a le dĂ©clin de l’empire ottoman ; b la naissance d’un mouvement national luttant conjointement contre le despotisme ottoman et les premiĂšres visĂ©es occidentales dans la rĂ©gion ; c le travail acharnĂ© des chrĂ©tiens syro-libanais pour rĂ©former la langue arabe, Ă©diter les textes et multiplier les Ă©tablissement scolaires ; d la modernisation militaire et administrative de l’Égypte entreprise par Muhammad Ali 1805-1849 grĂące Ă  des experts italiens et français et, surtout, grĂące Ă  l’envoi de missions d’étude en Europe
 11 Les limites que nous donnons Ă  cette pĂ©riode – que l’on peut qualifier aussi de “classique” – peuvent ĂȘtre discutables. Pour certains, elle dĂ©bute avec l’Islam 622, voire, pour les spĂ©cialistes de la littĂ©rature, avec la littĂ©rature antĂ©-islamique. Pour d’autres, elle prend fin avec le sac de Bagdad en 1258. Aux premiers, nous disons que c’est Ă  la fin du VIIIe siĂšcle que les Arabes commencent Ă  recopier leur hĂ©ritage culturel – l’époque antĂ©-islamique, le dĂ©but de l’Islam et les Ă©crits des civilisations grecque, persane et indienne qui leur sont alors parvenus – pour l’ériger en Tradition c’est ce que M. A. al-JĂąbrĂź nomme l’ Époque de la Codification » ‛Asr al-tadwĂźn. Aux seconds, nous rĂ©torquons qu’arrĂȘter cette pĂ©riode au sac de Bagdad, c’est faire fi de toute la tradition intellectuelle et philosophique qui va se poursuivre au Maghreb et en Andalus, et aboutir Ă  la figure d’Ibn KhaldĂ»n mort en 1406. 12 Il s’agit du conte de AyyĂ»b le marchand, de son fils GhĂąnim et de sa fille Fitna que l’on peut lire dans Les Mille et une Nuits, texte traduit, prĂ©sentĂ© et annotĂ© par Jamel Eddine Bencheich et AndrĂ© Miquel, Paris, Gallimard, La PlĂ©iade, 2005, p. 335. 13 Voir supra le texte du Jahiz. Le hakawĂątĂź conteur raconte la vie des hĂ©ros du passĂ©, mais il peut aussi faire office de muqallid mime ou de critique Ă  la dent dure envers un personnage illustre. Bref, c’est un vrai acteur qui peut facilement passer d’un rĂŽle de femme Ă  celui d’un animal ou d’un roi. C’est cette sorte d’homme Ă  tout jouer qui correspond parfaitement Ă  l’acteur » arabe que Y. Idriss cherche Ă  retrouver pour bĂątir un théùtre arabe autonome, voir infra. 14 Journal d’un notable du Caire, Paris, Albin Michel, 1979, p. 274. 15 En 1878, six ans avant l’arrivĂ©e d’al-QabbĂąnĂź et de sa troupe, Ya‛qĂ»b Sannû‛ est sommĂ© de quitter l’Égypte pour un long exil parce que ses propos politiques et satiriques n’ont pas plu au KhĂ©dive. En 1888, quatre ans aprĂšs son arrivĂ©e, l’universitĂ© d’al-Azhar s’oppose par un dĂ©cret aux choix des Ă©tudiants qui souhaitent ĂȘtre comĂ©diens. C’est dire Ă  quel point le théùtre a du mal encore Ă  s’implanter, y compris dans un pays sensĂ© ĂȘtre ouvert Ă  tous les talents de l’époque. 16 Al-Masraáž„ fĂź al-‛ñlam al-‛arabĂź Le Théùtre dans le monde arabe, 2e Ă©dition, KoweĂŻt, 1999, p. 73 nous traduisons. 17 J. Berque, Langage arabe du prĂ©sent, Paris, Gallimard, 1974, p. 206. 18 Le Coran, Paris, Albin Michel, 1995, p. 307-308. 19 La premiĂšre mention de cette lĂ©gende en Occident est dans GrĂ©goire de Tours fin Ve siĂšcle, De gloria martyrum, 1. I, c. XCV, B. Krusch et W. Lewison Ă©ds, Hanovre, 1885. 20 Nous avons reconstruit cette lĂ©gende Ă  partir de plusieurs exĂ©gĂšses coraniques et Ɠuvres mĂ©diĂ©vales dont les plus importantes sont al-KachchĂąf Le Prospecteur de ZamakhcharĂź 1075-1144, al-KĂąmil fi al-tĂąrĂźkh Le Parfait dans l’histoire de Ibn al-AthĂźr 1160-1234, ÂthĂąr al-bilĂąd wa akhbĂąr al-‛ibĂąd Ă  propos des pays et des humains de QazwĂźnĂź v. 1203-1283 et Subh al-A‛chĂą L’Aube d’al-A‛chĂą de QalqachandĂź 1355-1418, voir ces Ɠuvres dans le site ; voir aussi al-Tha‛labĂź m. 1035, QisĂąs al-anbiyñ’ Histoires des prophĂštes, Muhammad Sayyid Ă©d., Le Caire, 2001, p. 555-577. 21 Ed. DĂąr al-kitĂąb al-lubnĂąnĂź, Beyrouth, 1984, 142 p. 22 Ibid., p. 24-25. Ce passage marque le dĂ©but d’une kyrielle de quiproquos – domaine oĂč al-HakĂźm va exceller – qui vont Ă©mailler toute la piĂšce. Il y a trois sortes de quiproquos en théùtre un quiproquo interne Ă  la piĂšce, un quiproquo externe Ă  la piĂšce et un quiproquo mixte. Dans Les Gens de la caverne, tous les quiproquos vont ĂȘtre internes Ă  la piĂšce ; c’est la situation oĂč le spectateur ou le lecteur se rend compte qu’un personnage en prend un autre ou une autre chose pour ce qu’il ou elle n’est pas. 23 Ibid., p. 54-55. 24 Traduction, prĂ©face et notes par J. Trabucco, Paris, GF-Flammarion, 1964. 25 Nous utilisons pour cette piĂšce l’édition du Caire, al-Matba’a al-namĂ»dajiyya, La piĂšce compte 152 pages, dont une page Ă©crite par l’auteur pour introduire la 3e Ă©dition et quatre pages du texte arabe de l’introduction de la traduction française. La piĂšce a en effet Ă©tĂ© traduite en français en 1936, Paris, Nouvelle Ă©dition latine, traduction aujourd’hui introuvable. 26 Cette piĂšce, Ă©crite en 1919, est aujourd’hui introuvable. C’est l’histoire d’un hĂŽte qui arrive chez une famille comme toutes les autres et refuse de partir. On comprend aisĂ©ment que cet hĂŽte symbolise l’occupation britannique de l’Égypte. 27 Le but de ce voyage est de faire une thĂšse en droit, mais l’amour du théùtre, de la littĂ©rature et de la vie artistique parisienne l’en ont dĂ©tournĂ©. Il revient en Égypte en 1928 et se consacre Ă  l’écriture. 28 L’introduction Ă  sa piĂšce Pygmalion, Tunis, Al-DĂąr al-tĂ»nissiyya li al-nachr, 1978 1re Ă©d. 1942, p. 6. 29 Signalons que la Troupe Nationale d’Égypte, créée en aoĂ»t 1935, a jouĂ© Les Gens de la caverne en 1936, en prĂ©sence d’al-HakĂźm. 30 N’oublions pas qu’aprĂšs avoir Ă©crit ces deux piĂšces puisĂ©es dans le passĂ© mĂ©diĂ©val arabe, T. al-Hakim va d’abord Ă©crire Ă  partir du patrimoine de l’Autre l’Occident en signant Pygmalion en 1942 et ƒdipe-Roi en 1949, avant de subir les influences du théùtre de l’absurde avec ĂŽ toi qui montes Ă  l’arbre 1962, et d’affirmer un théùtre plus personnel, philosophique et libĂ©rateur avec Du pain pour toutes les bouches 1963. Était-il conscient des limites du texte mĂ©diĂ©val ? S’aperçut-il que leur transfert d’un Moyen Âge arabe non maĂźtrisĂ©, mais nĂ©anmoins rĂȘvĂ©, Ă  un prĂ©sent qui ne sait pas encore sur quel pied danser, ne mettrait pas fin Ă  “l’étrangetĂ©â€ de cet art dans le monde arabe ? 31 On peut en lire la traduction dans Les Mille et une Nuits, cit., vol. I, p. 261-292. 32 On trouvera la traduction de quelques passages dans Jacques Berque, Musique sur le fleuve. Les plus belles pages du KitĂąb al-AghĂąnĂź, Paris, Albin Michel, 1995. 33 Introduction Ă  al-FarĂąfĂźr Les Scapins, Le Caire, Maktabat Misr, 1984, p. 7. 34 En arabe marocain sltĂąn ətəlba. C’est une sorte de cĂ©rĂ©monie qui avait lieu au printemps derriĂšre les remparts des grandes villes universitaires marocaines FĂšz, Marrakech
. Pendant trois jours, le roi du Maroc cĂ©dait symboliquement son pouvoir Ă  un Ă©tudiant, qui formait un gouvernement parodiant le rĂŽle d’un conseil d’État. L’humour pouvait parfois se transformer en critique de la politique en vigueur. 35 Pour une Ă©tude exhaustive en français, voir la thĂšse encore inĂ©dite de Batoul Jalabi-Wellnitz, Les ParamĂštres de l’énonciation dans la deuxiĂšme pĂ©riode du théùtre de Sa’dallah Wannous, Lyon, UniversitĂ© LumiĂšre II, 12/2003. 36 Beyrouth, DĂąr al-ĂądĂąb, 1996. Ce texte est traduit de l’arabe Syrie par Rania Samara, Marie Elias, Hanan Qassab-Hassan, Miniatures, suivi de Rituel pour une mĂ©tamorphose, Arles, Actes Sud, Papiers, 1996. Malheureusement, nous n’avons pas pu la consulter. 37 E. Piscator 1993-1963, l’un des premiers Ă  avoir adoptĂ© le théùtre documentaire, pense que la fiction est trop idĂ©aliste et apolitique pour faire une Ɠuvre dramatique de qualitĂ©, il convient donc de l’y rĂ©duire au minimum. P. Weiss 1916-1982 prĂ©fĂšre, quant Ă  lui, un Ă©quilibre rĂ©ussi entre le document et la fiction, voir sa piĂšce maĂźtresse Die Ermittlung 1965, Ă©crite Ă  partir des notes qu’il a prises pendant le procĂšs des criminels d’Auschwitz Francfort, 1964, traduite en 1966 par J. Baudrillard sous le titre L’Instruction. 38 C’est une sorte d’histoire universelle qu’Ibn KhaldĂ»n considĂšre comme l’Ɠuvre majeure de son Ă©poque. Le titre arabe est aussi vaste que l’ambition de son auteur KitĂąb al-‛Ibar wa dĂźwĂąn al-mubtadĂą wa-l-khabar fĂź ayyĂąm al-‛Arab wa-l-‛Ajam wa-l-barbar wa man ‛ñsarahum min dhawĂź al-sultĂąn Le Livre des Exemples et le Recueil du dĂ©but et de l’histoire des Arabes, des non-Arabes et des BerbĂšres, ainsi que de leurs contemporains les plus puissants. Les traductions en langues europĂ©ennes, partielles ou complĂštes, de cette Ɠuvre gigantesque, sont nombreuses. En français, Ibn KhaldĂ»n est entrĂ© dans la BibliothĂšque de la PlĂ©iade grĂące Ă  A. Cheddadi Le Livre des Exemples. I Autobiographie & Muqaddima, Paris, Gallimard, 2002. 39 Nous pouvons lire les dĂ©tails de cette rencontre dans la traduction de A. Cheddadi, op. cit., p. 232-244. 40 Sur cette thĂ©orie et son importance dans le systĂšme khaldĂ»nien, voir infra. 41 Le titre mĂ©rite Ă  lui seul une Ă©tude Ă  part. Pourquoi Wannous a-t-il choisi ce titre, qui relĂšve d’un art ayant fait couler beaucoup d’encre, de peinture et
 de sang ? L’art de la miniature est d’abord un phĂ©nomĂšne artistique persan. Les premiĂšres miniatures conservĂ©es sont du XIe siĂšcle. Avec la conquĂȘte mongole au XIIIe siĂšcle, cet art va subir une forte influence chinoise, se propager partout dans les mondes persan et turc, ainsi que dans toutes les provinces que les Mongols vont dominer, dont la province de Syrie. Est-ce un hasard si Wannous traite du sac de Bagdad en faisant allusion Ă  un art dans lequel les Mongols ont excellĂ© et qu’ils ont marquĂ© de leur empreinte ? Pour le dĂ©veloppement de cet art jusqu’au XVIIIe siĂšcle, voir De Bagdad Ă  Ispahan, Manuscrits islamique de l’Institut d’Études orientales, Filiale de Saint-PĂ©tersbourg, AcadĂ©mie des Sciences de Russie, Fondation Arch Lugano, Paris-MusĂ©es Paris, Electa Milan, 1994 ; pour suivre les conflits culturels et idĂ©ologiques que l’évolution de cet art a suscitĂ© dans la rĂ©gion, lire Ă©galement le roman d’Oran Pamuk, Mon nom est Rouge, Paris, Gallimard, 2001. 42 Peut-ĂȘtre Wannous cherche-t-il ici Ă  ne pas idĂ©aliser Ă  l’excĂšs ce religieux. Son sens du devoir, sa sincĂ©ritĂ© et son combat – aussi bien contre l’ennemi que contre les religieux dĂ©voyĂ©s –, ne doivent faire perdre de vue qu’il est un homme du passĂ©, attachĂ© Ă  un Islam rigoriste. 43 Les Mutazilites Ă©taient au Moyen Âge un groupe thĂ©ologique rationaliste. Ils considĂ©raient en effet la raison comme seule source de la connaissance et de la religion. Ils dĂ©fendaient l’idĂ©e selon laquelle l’homme est libre absolument, sans quoi la rĂ©compense et la sanction divines n’auraient pas de sens. 44 Voir son introduction au Livre des Exemples, p. XXIX. 45 C’est ainsi que nous traduisons ‛ilm al-‛UmrĂąn. Le ‛umrĂąn est une autre notion clef d’Ibn KhaldĂ»n, qui traverse toute son Ɠuvre al-Muqaddima, mais sans qu’on puisse en trouver une dĂ©finition unique et claire. La science mĂȘme dont Ibn KhaldĂ»n jette les bases est la science du ‛umrĂąn. Il renvoie Ă  ce mouvement qui se dĂ©veloppe selon des rĂšgles bien prĂ©cises, de la plus simple des sociĂ©tĂ©s – la sociĂ©tĂ© Ă  l’état d’animalitĂ© » – Ă  la sociĂ©tĂ© la plus complexe quant Ă  ses institutions et ses lois, la civilisation al-hadĂąra. Pour le dire avec M. MahdĂź, le ‛umrĂąn est Ă  considĂ©rer comme un processus qui va de la notion de s’établir » sur la Terre jusqu’à la notion d’y poser des lois », en passant bien sĂ»r par la notion de l’occuper, la faire fructifier et prospĂ©rer » Ibn KhaldĂ»n’s Philosophy of History. A Study in the Philosophic Foundations of the Science of Culture, Chicago, The University of Chicago Press, 1957, p. 184-185. 46 Wannous ne donne pas de numĂ©ro Ă  ce dĂ©tail, il le nomme dernier dĂ©tail ». 47 Petit organon pour le théùtre, traduit par Jean Tailleur, Paris, L’Arche, 1978, p. 57. 48 Patrice Pavis, Dictionnaire du théùtre, Paris, Armand Colin, 2004, voir sous Distanciation », p. 99. 49 Ibid., p. 99. 50 Les dĂ©tails, les anecdotes et le texte de l’ancien historien » ne remettent en aucun cas en cause le texte d’Ibn KhaldĂ»n. Et lorsque celui-ci prend la parole dans la piĂšce de Wannous, il rĂ©utilise son texte. MĂȘme des dĂ©tails trĂšs futiles, tels que les cadeaux qu’il fait Ă  Tamerlan, sont reproduits tels que dans le texte original. 51 Il est arrivĂ© Ă  ce poĂšte de lire ses poĂšmes devant 12 000 personnes dans un stade de football en Syrie. L’évolution de son Ɠuvre vers une poĂ©sie de moins en moins directe et de plus en plus intĂ©rieure n’a pas fait fuir le public, et Ă  chaque fois qu’il se dĂ©place dans une capitale arabe, on prĂ©voit de grandes salles, voire de grands théùtres, pour permettre Ă  ses lectures de se dĂ©rouler dans de bonnes conditions. Ce phĂ©nomĂšne du poĂšte qui “se donne en spectacle” en lisant ou en dĂ©clamant sa poĂ©sie devant un public des spectateurs ? trĂšs nombreux mĂ©rite une Ă©tude Ă  part. À notre connaissance, rien n’existe sur ce phĂ©nomĂšne auquel nous pourrions renvoyer le de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Aziz Hilal, RĂ©appropriation du passĂ© le théùtre arabe face aux textes mĂ©diĂ©vaux », Babel, 15 2007, 87-126. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Aziz Hilal, RĂ©appropriation du passĂ© le théùtre arabe face aux textes mĂ©diĂ©vaux », Babel [En ligne], 15 2007, mis en ligne le 02 aoĂ»t 2012, consultĂ© le 22 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Tu vois Clara, un couple, c'est ça. La franchise, la sincĂ©ritĂ©. La recherche de solutions ensemble. Nestorino et Kiliem sont de bons conseils. Mon premier message n’était pas un jugement moral, merci de l’avoir compris et quand je disais que lundi tu ne serais pas la mĂȘme femme, je ne voulais pas dire que tu serais la femme adultĂšre, mais que tu serais celle qui devra dĂ©sormais mentir Ă  ton mari. Lui mentir chaque heure du jour et de la nuit. Faire l’amour avec lui alors que tu auras envie d’ĂȘtre avec l’autre. Attendre avec impatience la fin des vacances pour retrouver l’autre. Ton couple est en grand danger et c’est ce qui m’attriste parce que j’ai vĂ©cu cette situation et plusieurs fois. Je ne suis pas d’accord avec celui qui dit que le flit et l’acte c’est la mĂȘme chose. Le touche pipi et les baisers, c’est grave en ce sens que c’est le dĂ©but de la tromperie mais ce n’est pas irrĂ©mĂ©diable, ça peut rester au rayon des jeux entre ados et ensuite Ă  celui des souvenirs. Cela n’engage pas la vie entiĂšre. La possession par contre, c’est le point de non retour. Ecoutons les mots de la langue française, ils sont parlants La femme se donne » Ă  un homme qui la prend ». Cet acte est tout sauf anodin. Ce mec va te prendre Ă  ton mari. Pour lui, le mec, c’est de peu d’importance, il est certainement habituĂ© Ă  faire ça. Pour lui, mariĂ© et deux enfants, une femme est un terrain de sport et de jeu, pas un ĂȘtre humain. Tu es une de plus Ă  son palmarĂšs, mais pourtant tu es un ĂȘtre humain, le fait d’ĂȘtre venue poster ici avant lundi le montre. C’est plus honnĂȘte que ce que font la plupart des femmes qui viennent ici nous raconter qu’elles ont craquĂ© il ya trois mois et qu’elles regrettent, qu’elles vivent l’enfer parce qu’elles n’arrivent pas vivre une double vie. Au moins que cette attirance soit l’occasion de te poser les bonnes questions. Tu as Ă©tĂ© fidĂšle 5 ans et comme par hasard, moins d’un an aprĂšs le mariage, tu ne l’es plus ? Es-tu sĂ»re que tu ne regrettes pas d’avoir Ă©pousĂ© un homme de 20 ans de plus ? As-tu envie d’avoir un enfant avec lui ? Tout est vraiment merveilleux avec lui ? Tu demandes si une vie sexuelle moins excitante qu’au dĂ©but suffit Ă  expliquer le dĂ©rapage. La rĂ©ponse est OUI. Perso j’ai Ă©tĂ© fidĂšle Ă  ma premiĂšre femme 12 ans. DĂ©rapage, divorce. Pourtant nous nous aimions. J’ai Ă©tĂ© fidĂšle Ă  la deuxiĂšme 15 ans et puis une femme est apparue et immĂ©diatement coup de foudre et des annĂ©es de problĂšmes ensuite. Pourtant l’amour Ă©tait bien prĂ©sent. Alors ce qui m’attriste, ce n’est pas que tu fasses ceci ou cela avec un don Juan de salle de sport, c’est que tu mettes en grand danger ton couple. Ne crois pas une seconde que ce sera un coup sans lendemain, juste pour s’en passer le fantasme. Tu n’es pas de ces femmes qui peuvent faire ça. En plus le mec est sans doute habile et tu vas grimper aux rideaux, tu vas y prendre goĂ»t, ĂȘtre de plus en plus amoureuse de lui, sans espoir. Enfin, ce que je sais c’est qu’il n’y a pas de couple durable sans confiance. Et tu vas rompre la confiance que ton mari avait en toi. Mon avis c’est que 1- Tu dois annuler ce rendez vous de lundi. Tu pourras toujours retrouver le mec aprĂšs les vacances si tu y tiens, mais lĂ  il te faut te donner le temps de la rĂ©flexion et le fait que tu sois venue demander conseil ici me fait penser qu’il n’est pas trop tard. 2 – Tu devrais dire Ă  ton mari que vous avez un problĂšme. Que tu es attirĂ©e par un autre homme, que tu n’as pas cĂ©dĂ© mais que tu te sens en danger et que vous avez le temps des vacances pour rĂ©soudre la question en faisant le point sur vous, sans concession et sans tabou. Assumer tes dĂ©sirs et tenter de rĂ©soudre le problĂšme avec ton mari, pas en cachette dans une chambre d’hĂŽtel. L’adultĂšre est la pire des rĂ©ponses aux problĂšmes d’un couple. Si tu as un vrai couple, tu dois rĂ©soudre ton problĂšme AVEC ton mari et non CONTRE lui/ Le rĂ©sultat de la discussion sera peut-ĂȘtre la sĂ©paration, mais ce sera la tĂȘte haute des deux cĂŽtĂ©s. Le rĂ©sultat pourra ĂȘtre au contraire que vous allez vous retrouver comme les premiĂšres annĂ©es et repartir plus forts. Les vacances sont un bon moment pour cela. Le rĂ©sultat peut-ĂȘtre aussi, c’est plus rare mais ça existe, que vous passiez un deal et que ton mari te laisse une part de libertĂ©, si pendant les vacances vous ne retrouvez pas la passion des dĂ©buts. C’est un jeu dangereux mais certains couples vivent ainsi. Au moins il n’y a pas de mensonge et de cachotteries. Si tu ne fais pas ça, ton couple sera celui d’un homme bafouĂ© par une menteuse. DĂ©solĂ© si je suis un peu cru, mais c’est pourtant la rĂ©alitĂ©. Si ton mari est un type bien et si tu le respectes, tu lui dois au moins la franchise. Tu dois pouvoir le regarder droit dans les yeux et te regarder dans ton miroir sans honte tous les matins. A toi de voir
ou de te voiler la face. C'est un choix. Mounine guenon’ PostĂ© par le 29 Oct 2013 dans m 0 comments Mounine Sexe de la femme » est un dĂ©rivĂ© de mona guenon ». L’étymologie de mona est l’arabe maimun singe », mot introduit dans presque toutes les langues romanes par le commerce des singes. italien maimone, catalan gat maimĂł, mĂłna, espagnol et portugais mono, mona, italien et espagnol monina. Les deux mots monne et monine ont aussi existĂ© en français. Cotgrave 1611 Ă©critL’évolution de la forme maimon attestĂ©e en ancien occitan 1339 vers mona s’explique par la chute de la premiĂšre syllabe sentie comme une rĂ©duplication. La premiĂšre attestation de monina 1470 vient du provençal Avignon et ce dĂ©rivĂ© est surtout rĂ©pandu dans le domaine occitan. Plusieurs sites marseillais donnent uniquement le sens sexe de la femme1 . Couillon de la mounine Simple d’esprit » VĂ© le, ce couillon de la mounine qui fait pas la diffĂ©rence entre un 51 et un Casa ». Variante moumoune. Ci-dessous l’article mounino de Mistral, vous voyez que le sens du mot a Ă©voluĂ© depuis le 19e siĂšcle Dans son article enserta greffer » il cite en plus l’expression enserta no mounino reboire avant d’ĂȘtre dĂ©grisĂ© ». la calanque Mounine Mona, monine et les autres dĂ©rivĂ©s de maimun singe » se trouvent dans tout le domaine galloroman. Pour le moyen français voir 6 articles dans le DMF. D’aprĂšs la classification du FEW XIX, 115 il y a dans les parlers galloromans une douzaine de significations figure ou femme laide, par ex. bĂ©arnais moune grimace, boudeur, maussade, par ex. dans le Tarn mounĂĄ bouder », PĂ©zenas mouninĂĄ fantĂŽme dans le PĂ©rigord mounardo mort » enfant, jeune par ex. Paris mounin petit garçon, apprenti » sexe de la femme par ex. dans le Rouchi et en argot moniche vieille vache, par ex. dans le Cantal mona vieille vache qu’on engraisse » ivresse, par ex. AlĂšs mounino, Montpellier carga la mouninĂ  s’enivrer » sourd nigaud, par ex. Ă  Lyon mounin sot, nigaud » poupĂ©e , par ex. Ă  Lescun mounĂĄko chatte , par ex. Ă  Toulouse mouna, Ă  Barcelonnette mounet, en Limousin mounasso autres animaux , par ex. en provençal mouno gadus merlangus », mouna Ă  Nice et Ă  Palavas. Toponymie. Devinez quel sens est Ă  l’origine du toponyme. Un indice → Calanque Mounine trĂšs belle photo par Amodalie. Un visiteur me fait parvenir un jolie lĂ©gende sur l’origine du mĂȘme toponyme situĂ© cette fois dans l’Aveyron, le Saut de la mounine Vue sur le chĂąteau de Montbrun au Saut de la Mounine » by Daniel CULSAN – Own work. Licensed under CC BY-SA via Wikimedia Commons. Une jolie histoire Ă  insĂ©rer, si cela vous semble opportun, aprĂšs l’article mounine » j’y suis allĂ© en vacances, Ă  Saujac; c’est Ă  cĂŽtĂ© de Cajarc, lĂ  oĂč on trouve le cĂ©lĂšbre Moulinot » de Coluche
 c’est pour ça que mounine », que je n’avais jamais entendu avant, me parle En suivant la D 24 vers Saujac, on dĂ©bouche en haut d’abruptes falaises enface, le chĂąteau de Montbrun et un large mĂ©andre du Lot. Le saut de la Mounine tire son nom d’une vieille lĂ©gende. Un ermite, au retour d’un pĂšlerinage Ă  Compostelle s’était retirĂ© dans une grotte en compagnie d’une mounine une guenon. Le sire de Montbrun ne pouvant accepter l’amour de sa fille Ghislaine pour le fils de son pire ennemi jure qu’il aimerait mieux la voir se prĂ©cipiter dans le vide. La fille vint confier ses malheurs Ă  l’ermite. Celui-ci sacrifia la guenon vĂȘtue des habits de Ghislaine, en la prĂ©cipitant du haut de la falaise, pour simuler sa mort. Le chĂątelain est bouleversĂ© Ă  la vue de la dĂ©pouille qu’il croit ĂȘtre de sa fille. Le stratagĂšme dĂ©voilĂ©, il accorde le pardon et sa main au jeune galant. PessugĂ  "pincer" PostĂ© par Robert Geuljans le 22 Jan 2012 dans p 0 comments Pessuguer pincer, attraper ». en français rĂ©gional. L’étymologie est une racine *pints- saisir, pincer » rĂ©pandue dans les langues romanes ; une variante sans nasale *pits- se trouve dans les langues romanes et germaniques, comme dans mon parler natif Roermond, NL pitsen pincer », en wallon pici et en italien pizzicare. Un fidĂšle visiteur nĂźmois m’a signalĂ© cette expression qui d’aprĂšs lui se dit souvent chez les paysans de la rĂ©gion pessuguer qui veut dire attraper ». Je retrouve le mot sur internet, le plus souvent avec un sens proche de pincer ». Selon Alibert la forme langedocienne est pecigar pincer, attraper ». A La Seine-sur-mer Pessuguer Prov. pessuga Pincer. Signifie Ă©galement au fig. prendre sur le fait, arrĂȘter. Vairolatto le Garde, lui, s’il en pessugue un, il lui fera passer un mauvais quart d’heure. Voir aussi l’expression les mounines doivent le pessuguer ! En occitan nous ne trouvons que des dĂ©rivĂ©s de *pits. La premiĂšre attestation date du XIIe siĂšcle. Dans le Lexique de 1 Le verbe pessugar et les dĂ©rivĂ©s comme pessugado pincĂ©e, petite quantitĂ© », pessuc pinçon; pincĂ©e » se trouvent en provençal, languedocien et gascon. Nous le retrouvons en catalan pecigar pincer » et lĂ©gĂšrement dĂ©formĂ© sous l’influence de pellis peau » en espagnol pecilgar, ainsi que dans les parlers nord-italiens, piemontais pessiĂš pincer » et gĂȘnois pessigĂ  piquer ». Comme composĂ© il y a surtout le verbe espessugĂ  pincer » qui a pris dans l’Aveyron le sens Ă©plucher quelque chose qu’on mange sans appĂ©tit » et l’adjectif espessugaire. _______________________________ Français rĂ©gional, la Cigale et la Fourmi PostĂ© par Robert Geuljans le 26 DĂ©c 2013 dans f 0 comments Plusieurs visiteurs ont eu la gentillesse de m’envoyer la fable LA CIGALE ET LA FOURMI façon provençale !!! Ă©crite par Caldi Richard . Je crois qu’elle voyage librement sur le web. Une excellente occasion pour moi de m’en servir pour illustrer la notion de français rĂ©gional. Mode d’emploi gras rouge = lien vers l’article dans mon site. gras bleu = note en bas de page. gras marron = lien vers le TrĂ©sor de la langue française TLF. CIGALE ET LA FOURMI façon provençale ! par Caldi Richard ZĂ©zette, une cagole de l’Estaque, qui n’a que des cacarinettes dans la tĂȘte, passe le plus clair de son temps Ă  se radasser la mounine au soleil ou Ă  frotter avec les cĂ cous1 du quartier. Ce soir-lĂ , revenant du baletti2 oĂč elle avait passĂ© la soirĂ©e avec DĂ©dou, son bĂ©guin, elle rentre chez elle avec un petit creux qui lui agace l’estomac. Sans doute que la soirĂ©e passĂ©e avec son frotadou lui a ouvert l’appĂ©tit, et ce n’est certainement pas le petit chichi qu’il lui a offert, qui a rĂ©ussi Ă  rassasier la poufiasse. Alors, Ă  peine entrĂ©e dans sa cuisine, elle se dirige vers le rĂ©frigĂ©rateur et se jette sur la poignĂ©e comme un gobi sur l’hameçon. LĂ , elle se prend lestoumagade3 de sa vie. Elle s’écrie – » Putain la cagade! y reste pas un rataillon4, il est vide ce counas. En effet, le frigo est vide, aussi vide qu’une coquille de moule qui a croisĂ© une favouille. Pas la moindre miette de tambouille. Toute estransinĂ©e5 par ce putain de sort qui vient, comme un boucan, de s’abattre sur elle, ZĂ©zette rĂ©signĂ©e se dit – » TĂš vĂ©, ce soir pour la gamelle, c’est macari, on va manger Ă  dache6 . C’est alors qu’une idĂ©e vient germer dans son teston. – » Et si j’allais voir Fanny ! se dit-elle. – » En la broumĂ©geant un peu je pourrai sans doute lui resquiller un fond de daube . Fanny c’est sa voisine. Une pitchounette brave et travailleuse qui n’a pas peur de se lever le maffre7 Aussi chez elle, il y a toujours un tian qui mijote avec une soupe au pistou ou quelques artichauts Ă  la barigoule. ZĂ©zette lui rend visite. – » Bonsoir ma belle, coumĂ© sian ! Dis-moi, comme je suis un peu Ă  la dĂšche en ce moment, tu pourrais pas me dĂ©panner d’un pĂ©ton de nourriture ! Brave comme tu es, je suis sĂ»re que tu vas pas me laisser dans la mouscaille. En effet, Fanny est une brave petite toujours prĂȘte Ă  rendre service. Mais si elle est brave la Fanny elle est aussi un peu rascous = rascas teigneux »? et surtout elle aime pas qu’on vienne lui esquicher les agassins quand elle est en train de se taper une grosse bugade; ça c’est le genre de chose qui aurait plutĂŽt tendance Ă  lui donner les brĂšgues. Alors elle regarde ZĂ©zette la manjiapan8 et lui lance – » Oh collĂšgue ! Tu crois pas que tu pousses le bouchon un peu loin ? Moi !!!, tous les jours je me lĂšve un tafanari comaco pour me nourrir ! et toi pendant ce temps lĂ , qu’est-ce que tu fais de tes journĂ©es? – » Moi !!???? , lui rĂ©pond la cagole – » J’aime bien aller m’allonger au soleil ! ça me donne de belles couleurs et ça m’évite de mettre du trompe couillon. » – » Ah ! Tu aimes bien faire la dame et te radasser la pachole9 au soleil, et bien maintenant tu peux te chasper. – » Non mais ???!!!! , qu’es’aco ? C’est pas la peine d’essayer de me roustir10 parce que c’est pas chez moi que tu auras quelque chose Ă  rousiguer, alors tu me pompes pas l’air, tu t’esbignes et tu vas te faire une soupe de fĂšves. Texte de Caldi Richard _________________________________________ Amis de la langue française, bonjour. Qu’obtient-ton quand on met bout Ă  bout plein de mots sur lesquels on fait toujours des fautes ? Des expressions pleines de fautes. Il existe ainsi une quantitĂ© astronomique d’expressions que l’on a grand mal Ă  orthographier, et cela ne s’explique pas forcĂ©ment par notre illettrisme naturel, mais tout simplement parce que quand on ne connait pas le sens original d’une expression, c’est parfois difficile de bien l’écrire. 1. Au temps pour moi/toi/ta sƓur Eh oui cette expression fait rĂ©fĂ©rence Ă  l’espace-temps celui oĂč tu viens tout juste de dire de la merde qui est Ă  reprendre pour toi et non “autant pour toi” qui n’a aucun sens. 2. Sabler une bouteille S’il est tentant d’écrire “sabrer” sachez que les deux expressions sont possibles elles n’ont juste pas le mĂȘme sens. Sabler une bouteille, c’est la boire rapidement. Sabrer une bouteille, c’est l’ouvrir d’un coup sec avec un objet tranchant. Rééééévéééééélatiiiiiiions. 3. Par acquit de conscience Et non “acquis”, comme je l’ai personnellement cru jusqu’au mois dernier, la preuve que mĂȘme un rĂ©dacteur Ă  Topito peut sombrer dans la honte linguistique. En effet, ce n’est pas parce qu’on Ă  “trop de conscience acquise” qu’on agirait par “acquiS de conscience” ce qui ne voudrait rien dire. En revanche, c’est pour s’acquitter d’un Ă©ventuel problĂšme qu’on agit par “acquit de conscience”, nettement plus logique vous conviendrez. 4. C’est lĂ  que le bĂąt blesse Bon mĂȘme si clairement personne n’utilise cette expression pour dĂ©voiler la cause d’un souci, les quelques rĂ©sistants du monde moderne ne savent pas toujours s’il faut Ă©crire “bĂąt” ou “bas”. En fait, “bĂąt” renvoie Ă  l’objet qui permet de charger un Ăąne par exemple, or si le bĂąt est dĂ©faillant, tout dĂ©gringole. 5. D’un commun accord Si tu n’es pas sous mental comme moi, tu ne te sentiras peut-ĂȘtre pas concernĂ©/e par cette expression. Eh bien sache qu’il se pourrait que certaines personnes Ă©ventuellement diminuĂ©es aient longtemps cru qu’on disait “d’un commun d’accord”, dans le sens d’un “d’accord” dit en commun. Oui je sais, c’est dur, je me fais soigner depuis. 6. En deux temps trois mouvements Tout comme l’expression “au temps pour moi”, celle-ci trouve son origine dans le jargon militaire “Au temps !”, on n’écrit donc pas “En deux en trois mouvements” surtout que dans ce cas on prononcerait “en deux ans trois mouvements” et QUE CA VOUDRAIT ENCORE MOINS DIRE QUELQUE CHOSE. 7. Je te saurai grĂ© Il faut juste retenir qu’on n' »est » pas grĂ© de quelqu’un, mais qu’on lui sait » grĂ©. Et mĂȘme si saurai/serai se ressemblent farouchement proche, ça n’a rien Ă  voir donc calme tout de suite tes ardeurs. 8. Faire bonne chĂšre Et pas “faire bonne Cher”, expression qui s’appliquerait aux imitateurs de la chanteuse, et encore moins “fer bonne chĂšre” ce qui ne voudrait tout simplement rien dire. En fait, la confusion rĂ©elle se fait entre “chair” et “chĂšre” vous l’aurez compris. L’expression qui veut dire aujourd’hui “faire un bon repas” n’avait au dĂ©part rien Ă  voir avec la bouffe. “ChĂšre” qui vient du latin de “visage” voulait en fait dire “faire bon visage”, soit un bon accueil. C’est bon, t’as compris maintenant ? 9. Avoir affaire Ă  quelqu'un MĂȘme si c’est presque irrĂ©sistible d’écrire Ă  faire », en rĂ©alitĂ© il s’agit d’avoir une affaire Ă  rĂ©gler avec quelqu’un. Reviens dans le droit de chemin, brebis Ă©garĂ©e. 10. Une maison de plain-pied On serait tentĂ©s d’écrire “de plein pied” pour une maison dans laquelle on rentre avec les pieds. On comprend toutefois assez vite qu’on rentre dans n’importe quel lieu avec les pieds sauf si on est amputĂ©s des deux jambes, bien entendu. “Plain-pied” renvoie Ă  la plaine et dĂ©signe donc une maison oĂč toutes les piĂšces sont au mĂȘme niveau que la plaine. 11. Bayer aux corneilles Et non pas “bĂąiller aux corneilles” bande de dĂ©saxĂ©s. En effet, l’expression qui signifie “rĂȘvasser” repose sur le verbe latin “batare” qui renvoie au son que l’on produit quand on est bouche ouverte. C’est pour cela que bayer veut dire “ouvrir tout grand”. En gros, c’est un terme proche du verbe “bĂąiller” qui renvoie lui aussi au fait d’ouvrir la bouche parce qu’on est fatiguĂ©. Toujours est-il que pour l’expression c’est “bayer” qui est restĂ©. Tout ça pour dire que maintenant tu devrais avoir envie de bĂąiller. HIHIHI. 12. Rendre la pareille C’est pourtant pas compliquĂ© bordel ! On rend la pareille, c’est-Ă -dire qu’on rend ce qu’on nous a donnĂ©. Tu m’as prĂȘtĂ© du sel, je te prĂȘte du poivre, logique quoi sauf si tu es allergique au poivre auquel cas c’est Ă  comprendre comme une façon de te nuire physiquement. Alors pourquoi voudrait-on croire que c’est l’appareil qu’on rend ? HEIN ? 13. DĂ©couvrir le pot aux roses Parce que le pot aux roses est au dĂ©part une boĂźte dans laquelle les femmes rangeaient leur parfum et des petits mots secrets. Et contre toute attente, ça ne ressemblait pas du tout Ă  un poteau rose. Nope. 14. Bandes annonces Oui c’est surprenant mais il semblerait qu’un des rĂ©dacteurs de Topito dont je prĂ©fĂšre taire l’identitĂ©, a une camarade qui n’aurait toujours pas intĂ©grĂ© le concept de bande annonce » et lui prĂ©fĂšre l’expression bande d’annonces », ce qui est plus Ă©tonnant c’est que ladite personne n’a pas 5 ans.

comme tu fais on te fera ecrit en arabe